Cannes 2016 : « Moi, Daniel Blake », le coup de colère poignant de Ken Loach
Sorti par bonheur d’une retraite annoncée, Ken Loach a offert au Festival de Cannes un nouveau film fort avec « Moi, Daniel Blake ». Un film qui dénonce avec vigueur l’attitude inique de l’administration britannique envers certains demandeurs d’emploi, et qui, tout en faisant passer un message politique, parvient à toucher le cœur des spectateurs.
Eprouvé par un tournage long et difficile, Ken Loach annonça il y a deux ans lors de la présentation de « Jimmy’s Hall » au Festival de Cannes, qu’il mettait un terme à sa belle et longue carrière qui le conduisit souvent au haut des marches du Palais des Festivals où il récolta même la Palme d’or en 2006 pour « Le Vent se lève ». Mais l’amour qu’il porte au cinéma reprit vite le dessus, surtout lorsqu’un film lui donne l’occasion de dénoncer avec force des injustices criantes comme c’est le cas dans « Moi, Daniel Blake » présenté vendredi en compétition.
La dénonciation d’un système absurde et inique
« Moi, Daniel Blake » raconte l’histoire de Dan, un menuisier de 59 ans victime d’un infarctus et à qui son médecin interdit de reprendre le travail. Malgré cela, l’administration estime qu’il est apte à travailler et, en attendant que son appel soit examiné, lui intime l’ordre, sous peine de lui retirer toute indemnité, de s’inscrire à Pôle Emploi et d’entreprendre des démarches pour retrouver un travail. Le film dénonce l’attitude de l’administration qui, loin d’aider les gens dans la difficulté, fait au contraire tout pour les humilier et les décourager afin qu’ils renoncent à leurs droits. Un système qui pousse les gens dans la misère au point qu’ils n’ont plus de quoi se nourrir, même s’ils reçoivent parfois le secours de la banque alimentaire.
Ken Loach touche au coeur
En montrant le parcours semé d’embûches de Daniel Blake, Ken Loach livre une critique féroce contre les dérives d’un système, qui prend une résonnance particulière au moment où, en Angleterre comme en France, des campagnes sont menées pour dénigrer les demandeurs d’emploi et réclamer une baisse de leur indemnisation. Mais, même s’il excelle dans ce registre, le cinéaste britannique ne se contente pas de faire un film politique, il parvient également à toucher le cœur des spectateurs en brossant le portrait de cet ouvrier qui, même s’il est dépassé par les nouvelles technologies, est plein de bonne volonté et n’hésite pas à venir au secours de ceux qui sont en galère, à l’image de Katie Morgan, une jeune mère célibataire qui s’est retrouvée contrainte d’accepter un logement à 450 km de chez elle pour ne pas se retrouver dans un foyer d’accueil avec ses deux enfants. Elle aussi est victime de l’injustice de l’administration qui la sanctionne pour un motif futile. De quoi la plonger encore plus dans la détresse et seul le soutien de Dan lui permettra de ne pas sombrer totalement.
Avec « Moi, Daniel Blake » Ken Loach démontre qu’à près de 80 ans il a encore assez d’énergie pour nous offrir un film fort, capable de défendre une noble cause tout en suscitant l’émotion des spectateurs. Ken Loach ne décrochera sans doute pas cette année une nouvelle Palme d’Or, mais en sortant de sa retraite annoncée, il a livré un superbe baroud d’honneur et a offert une nouvelle fois un très bon film au Festival de Cannes.