Michel Ugon : ce qu'elles peuvent faire pour nous
'Le GSM est bien plus qu'un téléphone mobile : c'est de l'intelligence mobile'.
Michel Ugon est un témoin privilégié de l'évolution de la carte à puce. Il a connu ses 'premiers balbutiements' et la révolution technologique qu'elle a engendrée. Depuis 1977, date de sa création, elle n'a cessé de prendre de l'importance dans la vie économique. Son succès va croissant et, pour l'ingénieur, il n'y a aucune raison que cette évolution s'arrête en si bon chemin.Hormis le porte-monnaie électronique dont nous avons parlé précédemment, quelles applications et quelles évolutions voyez-vous pour la carte intelligente ? Michel Ugon :La carte à microprocesseur est utile et applicable à tout ce qui nécessite un haut niveau de sécurité, de confidentialité. C'est le trait commun à toutes les 'Smart Card' : la sécurité. On envisage, par exemple, de remplacer les titres de transport par ce type de cartes. Aux Etats-Unis, les cartes d'identité, permis de conduire, cartes d'étudiants, de cantine.. sont déjà, pour beaucoup, des 'Smart Card'. Le secteur de la santé est également intéressé, preuve en est : la nouvelle carte française 'Sésame Vitale' (mais là, on a travaillé 'à l'allemande', les cartes ont été envoyées avant même que les médecins, pharmacies etc… aient été équipées !). Avec l'arrivée d'Internet et du commerce électronique, on pense aussi à elle, pour sécuriser les paiements. En bref, c'est un objet complexe et sûr, adaptable à toutes les sphères de la vie quotidienne et voué à se développer de plus en plus.Il ne faut pas oublier non plus ses applications dans le domaine de la téléphonie mobile, avec la carte GSM, apparue dans les années 1989-1990. Là encore la 'puce intelligente' s'immisce dans notre quotidien !Je reviens une nouvelle fois à l'aspect sécuritaire de la carte à microprocesseur. Outre les commodités qu'elle procure, c'est aussi et surtout, un objet sûr. Bull l'a très bien compris en faisant le choix de la très haute sécurité. C'est d'ailleurs pour cette raison que toutes les cartes bancaires utilisées en France sont fabriquées sous licence Bull. Ces préoccupations sécuritaires sont primordiales : elles représentent aussi une part non-négligeable de mon travail puisque je suis directeur de la Recherche Avancée et de la Sécurité chez Bull et président du groupe sécurité de l'association européenne des industriels de la Smart Card, Eurosmart.Quelles perspectives voyez-vous à la téléphonie mobile et quels sont les apports du procédé Java, thème de cette université d'été? Michel Ugon :Dans le milieu de l'informatique et de la micro-électronique, le téléphone portable est l'objet d'une grande convoitise. Nous portons sur cet instrument un regard différent de celui du monde des télécommunications. Pour nous, il s'agit d'un véritable ordinateur puisqu'il comporte un clavier, un écran et un microprocesseur, aussi petits soient-ils. Le défi c'est de savoir qu'il n'a pas été envisagé comme tel par les spécialistes des télécommunications et qu'il va donc falloir le transformer, modifier ses spécifications afin qu'il devienne un véritable communicant. Pour moi le GSM est bien plus qu'un téléphone mobile, c'est de l'intelligence mobile. C'est le moyen de se relier à un réseau.La transformation de ce téléphone en outil multimédia a posé, d'un point de vue informatique, différents problèmes. Comment programmer de nouvelles applications qui n'étaient pas prévues au départ ? Comment installer des programmes dans un objet aussi petit ? Comment, surtout, mettre en oeuvre ces applications au vu de la disparité des plates-formes utilisées. Je précise tout de suite que le terme 'plate-forme' renvoie à la machine, à l'appareil, pour éviter tout malentendu ! Il en existe aujourd'hui une variété infinie, commercialisée par Siemens, Alcatel, Nokia, Motorola…, infinité qui complique de beaucoup notre tâche.Donc, un des intermédiaires possibles entre ces différentes plates-formes et les applications c'est Java. Ou plus précisément c'est la Java Card TM dont nous avons parlé durant ces deux jours. Pour expliquer succinctement, Java est un ensemble d'éléments permettant de programmer quelque soit la plate-forme utilisée. Ces éléments, ce sont : une architecture qui déterminera par exemple la sécurité, un langage, ce que nous appelons une 'machine virtuelle', une, au moins, et un environnement c'est-à-dire tout ce qu'il faut pour faciliter la tâche des développeurs, du logiciel. Pour schématiser encore, Java va tout simplement harmoniser, rendre compatibles les différentes plates-formes entre elles et leur permettre d'accéder chacune à des applications équivalentes.Vous êtes plutôt optimiste quant à l'avenir de la carte à microprocesseur ? Michel Ugon :Comment ne pas l'être ? On a vu le nombre d'applications déjà réalisées mais nous sommes loin encore d'avoir épuisé toutes ses ressources. La carte à microprocesseur est une clef qui facilite l'accès à des univers très variés. C'est un véritable enjeu de société dont on ne connaît pas encore tous les aboutissants.