Cannes 2015 : Nanni Moretti émeut La Croisette
Avec « Mia Madre », une œuvre grave et burlesque sur l’existence, Nanni Moretti a frappé fort en suscitant une vive émotion chez les festivaliers dont beaucoup ont versé quelques larmes à la fin de ce film racontant l’histoire d’une réalisatrice à la dérive, prise entre les affres d’un tournage et la maladie de sa mère qui vit ses derniers instants.
Après un démarrage un peu timide, la compétition du Festival de Cannes 2015 est montée d’un cran aujourd’hui avec l’entrée en lice de deux cinéastes qui ont déjà remporté la Palme d’Or : Gus Van Sant en 2003 pour « Elephant » et Nanni Moretti en 2001 pour « La Chambre du fils ». Si « La Forêt des songes » de Gus Van Sant a été très (trop) durement accueilli, « Mia Madre » de Nanni Moretti a été chaleureusement applaudi par les festivaliers dont beaucoup avaient les larmes aux yeux à la fin du film.
Une réalisatrice à la dérive
« Mia Madre » raconte l’histoire d’une réalisatrice, Margherita, confrontée à un tournage très difficile avec un acteur américain qui se révèle être un cabot incapable de tenir correctement son rôle, mais surtout à la maladie de mère, naguère enseignante de latin très estimée, qui est en train de vivre ses derniers instants. Entre les visites à l’hôpital, les insatisfactions liées au tournage, mais aussi la fin d’une relation amoureuse et une fille en pleine crise d’adolescence, Margherita est complètement à la dérive, submergée par ses souvenirs et par son impuissance à voir la réalité en face, avec surtout le sentiment et la rage de ne pas se sentir à la hauteur de la situation.
Moretti se met en retrait mais frappe fort
Si le film est en grande partie autobiographique et que le personnage principal lui ressemble comme deux gouttes d’eau, Nanni Moretti a choisi de s’effacer et de confier le rôle à Margherita Buy, préférant jouer le frère de la réalisatrice, un homme impeccable qui sait prendre les choses en main, sans doute parce qu’il aurait aimé lui ressembler. Ce choix du cinéaste italien s’avère particulièrement judicieux, d’abord parce que Margherita Buy incarne à merveille cette épouse, mère et fille en détresse. Elle se pose d’ailleurs déjà en candidate sérieuse pour le Prix d’interprétation Féminine si le film ne décroche pas la Palme d’Or. Cette mise en retrait lui a sans doute aussi permis de témoigner de choses très personnelles, tout en leur donnant un caractère d’universalité. En s’attaquant à un sujet sensible comme la fin de vie et l’agonie d’une mère, Nanni Moretti a frappé très fort et, bien aidé par la prestation délirante de John Turturro en mauvais acteur, est parvenu fréquemment à faire passer les spectateurs du rire aux larmes. Des larmes bien difficiles à réprimer à la fin du film.