Constat 2 : la superposition des crises boursières
Les crises boursières américaine et européenne se sont superposées en Europe et ont eu des effets disproportionnés sur l’économie de la filière télécommunications-informatique.
1. En Europe, les crises financières américaine et européenne se sont superposéesDans cette brève communication, il n'appartient pas à vos rapporteurs de refaire l'historique de la crise boursière américaine, ni des conditions d'attribution des licences de téléphonie mobile de troisième génération dans les principaux pays européens, qui sont abondamment décrites par ailleurs. Mais d'essayer d'en discerner les conséquences.Relevons, toutefois, que l’Europe a subi, pour partie, le contrecoup de la crise boursière américaine qui a altéré les possibilités de financement sur le marché des entreprises de télécommunications.Mais les entreprises européennes conservaient, a priori, l’avantage des succès acquis dans la deuxième génération de téléphonie mobile ; elles conservaient également l’espoir que les convergences européennes obtenues sur l’UMTS permettraient d’avoir dans de bonnes conditions le marché de la troisième génération.Une première chance a été manquée lorsque la Commission a proposé –ce qui semblait logique sur un marché promis à l’unification- une harmonisation des conditions d’attribution des fréquences de téléphonie mobile de troisième génération.Au nom de la répartition des compétences entre l’Union et les Etats-membres, ceux-ci ont refusé cette harmonisation.Avec les résultats que l’on connaît.Avec le recul, on a peine, aujourd'hui, à qualifier l’illusion qui a validé l'idée que, dans les cinq plus grandes nations européennes, on pouvait procéder, sans dommages, à une ponction parafiscale de 900 milliards de francs sur le seul secteur des télécommunications.Ceci, sans préjudice d'une somme à peine moindre pour le déploiement des équipements correspondants. Même si la mise en commun d'une partie des réseaux pouvait contribuer à la diminution de ce chapitre de dépenses d’environ 30 % ( ).C'est cette dimension qu'il faut prendre en considération pour mesurer les effets conjugués de ces deux crises financières, en Europe.Déjà affecté par la crise boursière américaine dans ses structures de financement et par l’altération de la progression de ses marchés, le secteur européen des télécommunications (industriels, opérateurs et fournisseurs de services) doit, aujourd'hui, supporter les conséquences des prix très élevés de l'attribution des licences UMTS, puisque la plupart des grands opérateurs européens ne se sont pas portés candidats à l'attribution d'une seule licence dans un seul pays, mais dans plusieurs pays européens.2. La cascade et le buvard : des effets disproportionnésDans un premier temps, la chute boursière, brutale mais annoncée, du secteur le plus spéculatif de la nouvelle économie américaine, les Start up spécialisées dans les développements Internet sans apport d’innovation technique ou scientifique, est apparue à beaucoup comme un réajustement salutaire.Au fond, elle n'affectait pas les bases de la future société de l'information : on continuait à implanter de la fibre à haut débit, et le principal fabricant mondial de serveurs informatiques n'est pas arrivé à faire face à la demande pendant la plus grande partie de l'année 2000. L'économie réelle des télécommunications et de l'informatique semblait assez solide pour faire face à cette péripétie boursière.Mais ces deux événements ont une double conséquence :- la crise américaine, par un effet de cascade, s’est étendue à l’ensemble de la filière,- la crise européenne a eu un effet buvard en asséchant fortement les possibilités d’investissement des industriels, des opérateurs et des fournisseurs de services ; elle a profondément altéré le dynamisme du secteur.a) L’effet de cascadeEn grippant une des courroies de transmission du dynamisme de la nouvelle économie américaine, la crise boursière a eu deux séries de conséquences :- d'une part, elle a abouti à une diminution générale de la demande qui a particulièrement atteint des secteurs dont les plans d'affaires reposaient sur une vision, peut-être trop optimiste, de l'évolution du marché,- et, d'autre part, elle a mis en évidence une des faiblesses de la chaîne d'activité télécommunications - informatique, dont la crédibilité du modèle repose sur celle de la totalité de ses éléments. En un effet de cascade( ) facilité par la convergence entre les deux secteurs, les difficultés, à l'origine très cantonnées, de l'informatique se sont diffusées en amont vers les télécommunications.b) L’effet de buvardEn Europe, les niveaux de prix baroques auxquels ont été attribuées les licences de téléphonie mobile de troisième génération dans les grands pays européens ont rendu cet espoir illusoire.Les États concernés - mais également les opérateurs qui, nolens volens, se sont associés à ces soumissions et adjudications - ont réussi le double miracle :- d'ôter pratiquement toute chance de réussite aux opérateurs rentrants,- et, d'enfermer les opérateurs historiques dans un cycle d'endettement extrêmement préoccupant.En d’autres termes :- d’une part, on a étroitement circonscrit la stimulation qu'aurait apportée une plus grande concurrence pour la mise en place de l'UMTS.- et, de l'autre, on a durablement handicapé les opérateurs historiques qui constituent, par la force des héritages, une interface essentielle entre les télécommunications et l'informatique, comme entre les techniques et les usages de demain.En quelque sorte, on a réussi l’exploit économique de bannir la concurrence tout en paralysant le monopole.Dans des secteurs aussi solidaires que le sont devenues les télécommunications et l'informatique, les événements financiers américains et européens de l’année 2000 sont porteurs d’incertidude.Ceci, d'autant plus que ces branches d'activité sont à un moment difficile de leur histoire puisqu'elles doivent, en même temps, réaliser des investissements très coûteux en recherche et en développement technologique, satisfaire aux exigences de rentabilité immédiate des actionnaires, et proposer des plans d'affaires à l'aveugle car le succès de ceux-ci repose sur des usages des nouvelles technologies qui ne sont pas encore constitués.