Monaco : les "nouvelles Routes de la Soie" décryptées
Des chiffres à donner le tournis : 1.100 milliards de dollars investis dans plus de 60 pays d’Eurasie et d’Afrique. Dix plans Marshall. C'est le montant des sommes investis dans le gigantesque projet chinois des Routes de la soie. Un projet qu'a décrypté Ludovic Subran, chef économiste d'Euler Hermes, devant les entrepreneurs monégasques réunis par le Monaco Economic Board. Passionnant et édifiant.
Etourdissant ! 1.100 milliards de dollars investis dans plus de 60 pays d’Eurasie et d’Afrique représentant plus d’un tiers du PIB mondial (sans compter celui de la Chine). Une somme colossale ! Pour fixer les idées, elle équivaut au montant de dix Plans Marshall, ces plans déjà gigantesques mis en place en Europe par les États-Unis au sortir de la seconde guerre mondiale ! Ces chiffres, qui ont de quoi donner le tournis, sont ceux du gigantesque projet chinois appelé Belt & Road Initiative. Un projet que Ludovic Subran, chef économiste d’Euler Hermes et directeur de la recherche macroéconomique d’Allianz a décrypté devant plus de 70 acteurs économiques de la Principauté réunis par le Monaco Economic Board.
En guise d’introduction, Ludovic Subran a commencé par brosser un rapide aperçu de la situation économique mondiale et de ses perspectives, positives malgré un ralentissement, perturbées notamment par la nature instable de l’administration américaine. Les conséquences de ce momentum orageux affectent la Chine qui voit ainsi sa stratégie de diversification de son développement international accréditée.
Car les ambitions restent intactes. Elles sont à la hauteur des moyens mis sur la table : déployer des infrastructures de transports terrestres et maritimes, les fameuses Nouvelles Routes de la Soie. Avec une nuance de taille comme le précise l’économiste : il s'agit de proposer un modèle de développement concurrent au modèle occidental, moins exigeant sur les normes et les principes démocratiques et plus rapide dans sa mise en œuvre. Un "soft power" soutenu par des investissements conséquents et la mise en place d’une plateforme financière, industrielle et même culturelle qui ambitionne de faire de la Chine un nouvel "Empire du Milieu".
Mais si Ludovic Subran parle de "dentelle" en matière d’investissements tant cette plateforme de développement est complexe et subtile, il ne cache pas non plus les risques et faiblesses qui y sont liés : frein nationaliste dans les pays où la présence chinoise devient prépondérante comme cela s’est exprimé au Myanmar ; viabilité à long terme, avec une maintenance des infrastructures qui sera un défi ; risque de réputation pour les entreprises qui s’associeraient à une démarche pas toujours en accord avec les valeurs et exigences sociales et environnementales occidentales. Enfin, face à la multiplicité des pays, le suivi juridique devrait s’avérer extrêmement complexe, sans parler de l’instabilité de certaines régions concernées, à commencer par le Proche-Orient.
Au final, toujours pour Ludovic Subran, il apparaît que l’aspect tentaculaire du projet constitue sa force et sa faiblesse. Mais avec sa Belt and Road Initiative, la Chine, qui devrait devenir la première puissance économique mondiale dès 2030, confirme sa grande capacité d’innovation en termes de politique publique. Pour le MEB et les entrepreneurs présents, un éclairage brillant. Il a permis de mieux comprendre la Chine avec laquelle la Principauté a noué de précieux liens notamment lors de la Mission économique à Beijing cette année, en accompagnement de la visite d’État de S.A.S. le Prince Albert II en Chine.