"Super Cannes" de J.G. Ballard : la Côte high tech au vitriol
L'auteur de "Crash" a pris Cannes et Sophia comme cadre de son 26 ème roman. Paillettes cannoises et cols blancs sophipolitains sur fond de capitalisme fou pour un thriller philosophique décapant.
La Côte d'Azur et Sophia croqués par J.G. Ballard, seront-ils au centre d'un futur grand thriller mythique? On peut le penser avec la publication, en français, de "Super-Cannes" (Editions Fayard, traduction de Philippe Delamarre), le 26 ème roman de l'écrivain britannique. Car J.G. Ballard n'est pas n'importe qui. "L'empire du soleil", repris par Spielberg, c'est lui. Tout comme "La forêt de cristal", ou "Fièvre guerrière", ou encore le roman-culte des années 70, "Crash", porté à l'écran par David Cronenberg.C'est d'ailleurs "Crash" qui a fait renouer J.G. Ballard avec la Côte qu'il avait découverte en 1947, un peu après la guerre. L'écrivain était revenu à Cannes en 1996 pour la présentation du film de Cronenberg en Compétion officielle du FIF. Il y a retrouvé une Côte d'Azur toute nouvelle entre stars et technologies, palmiers et centres high tech. "Super Cannes" joue sur ces deux pôles. Sophia, rebaptisé Eden-Olympia, la cité de la sagesse, et la Côte avec ses richissimes russes et arabes, ses avions privés, piscines de rêve, Land Rover aux vitres blindées, prostituées de luxe, servent de cadre à un thriller philosophique post-moderne. En arrière-plan, la mondialisation, l'amoralité d'une nouvelle élite planétaire, les multinationales, l'univers high tech, le capitalisme débridé et toute cette "infrastructure invisible" qui remplace les "vertus civiques traditionnelles".Dans ce décor très "big brother", un pédiatre, le docteur Greenwood, entreprend de massacrer dix cadres supérieurs. Paul et Jane Sinclair enquêtent dans le microcosme des cols blancs et virevoltent entre colline de la sagesse et côte des paillettes. La version originale de ce "Super-Cannes" corrosif, avait fait sensation l'an dernier en Grande-Bretagne. D'autant plus que les Britanniques, chacun le sait, sont particulièrement attachés à la Côte d'Azur. Affolée par le portrait, la BBC était même venue enquêter pour voir si Sophia et la Côte étaient bien aussi effrayants que le livre le laissait penser.Le cocktail sera-t-il aussi apprécié en France ? A suivre. Ne boudons pas en tout cas un trop rare plaisir : celui qui peut nous être offrert quand un grand écrivain, dans la lignée de Graham Greene, nous tend un miroir. Même, et peut-être surtout, si le miroir est déformant et dérangeant…