Immobilier d'entreprise : la pénurie!
Les promoteurs n'ont pas cru que la reprise serait si vigoureuse. Résultat, ils ont hésité à construire et les stocks ont fondu, particulièrement sur Sophia. Tandis que Nice reste handicapé par les taxes...
La frilosité des investisseurs immobiliers va-t-elle pénaliser la reprise? Il est possible de le craindre. Tout particulièrement sur Sophia Antipolis où la pénurie de locaux adaptés pour les entreprises pose déjà de sérieux problèmes (voir l'article Sophia pris à contre-pied par la reprise). Le cas de Mannesmann illustre la situation actuelle. Une situation à laquelle les industriels étrangers ne pensaient pas devoir être confrontés sur la Côte d'Azur. Depuis plus de trois mois, le géant allemand des télécoms cherche 1.500 m2 pour pouvoir s'implanter sur la technopole. En vain. Tout se passe comme si la Côte avait trop bien réussi son travail de promotion du territoire. Maintenant les entreprises arrivent, mais personne n'a prévu de les accueillir…Stocks inexistants sur Sophia AntipolisLe point de presse, organisé dans les locaux de la CCI par l'Observatoire de l'immobilier d'entreprise de la Côte d'Azur, offrait donc l'occasion d'y voir un peu plus clair. Force est de constater, à l'issue de la réunion, qu'il y a peu d'espoir de voir la situation s'améliorer dans les dix-huit mois, le temps de latence de l'immobilier.Le constat d'abord. La baisse du stock a été déjà sensible entre 1995 et 1998 : de 225.000 m2 on est passé à 125.000 m2, soit 45% en moins. Mais elle s'est encore nettement accélérée au cours du premier semestre 1999 où l'on est tombé à moins de 100.000 m2. C'est l'opposé de la situation de gonflement des stocks qui avait marqué la crise immobilière à partir de 1992. Remarque de Christian Laroque, président de la commission aménagement du territoire et prospective de la CCI : cette diminution a particulièrement concerné le secteur de Sophia Antipolis où le stock a été réduit de moitié et est aujourd'hui pratiquement inexistant (il n'y a pas 20.000 m2 de produits en stocks ce qui représente moins de six mois de consommation).Difficultés accrues pour les petites entreprisesSi l'on affine l'observation, la situation apparait encore plus tendue que les chiffres ne le laissent apparaître : 60% des stocks sont mal adaptés dont 37% obsolètes, voir franchement mauvais. Autre phénomène noté par Jean-Pierre Mascarelli, président de C.A.D. (Côte d'Azur Développement) : les grandes entreprises avec des effectifs de 200 à 300 employés reviennent sur Sophia Antipolis et n'hésitent pas à s'installer dans des immeubles qui avaient été conçus pour des PME. Exemples avec Amadeus (3.600 m2 dans les Vaisseaux de Sophia), avec Schneider Electric dans l'Espace Sophia, avec Sema Group ou encore Experian.Et quand les promoteurs construisent, ils préfèrent louer en bloc à un gros groupe plutôt que de gérer une multitude de baux. D'où des difficultés encore accrues pour les petites entreprises ou les start-ups et le risque de voir s'étouffer cette croissance endogène, qui apparaît enfin sur la technopole.Que les promoteurs construisent!Les solutions? Elles se résument pour l'instant à des vœux pieux : il faut que les investisseurs recommencent à construire. Qu'ils prennent conscience que la reprise est là, quelle est bien installée et qu'ils oublient les années noires entre 1992-96 quand les bureaux en blanc ne trouvaient pas preneur. Les possibilités existent. Notamment à la Sophia Antipolis où, par l'intermédiaire de la SAEM, la collectivité publique dispose d'une maîtrise des terrains.'Nous signons encore mercredi 15 décembre, 17.000 m2 à construire,signale Gérard Passera, directeur de la Société d'Aménagement d'économie mixte. En deux ans, nous avons mis sur le marché 80.280 m2'.La SAEM, d'ailleurs, avait tiré la sonnette d'alarme voilà près de trois ans déjà. Au MIPIM de mars 1997 (Marché international des professionnels de l'immobilier, à Cannes), elle alertait les professionnels sur l'état des stocks et sur la nécessité d'engager des programmes.Peine perdue. Les investisseurs veulent que 60 à 70% des locaux soient signés avant de donner le premier coup de pioche. Et souvent avec des baux de 3, 6 et 9 ans que les entreprises étrangères ne veulent pas. 'Quand une entreprise vient nous voir,explique Pascal Schori (Colliers-Auguste Thouard), elle veut les locaux pratiquement pour le lendemain. Sinon elle part sur Montpellier, Bordeaux, etc. Que les promoteurs arrêtent de proposer des permis. Qu'ils construisent.'Nice freiné par la fiscalitéSur Sophia, c'est cette pénurie de locaux qui représente actuellement le frein le plus important au développement de la technopole. Pourquoi les entreprises, pourrait-on imaginer, n'iraient donc pas sur Nice, l'autre pôle économique du département, là où elles pourraient trouver des locaux, à des prix similaires (de 800 à 1.000 F le m2 en location)? Réponse des commercialisateurs : d'abord parce que beaucoup d'entreprises high tech veulent d'abord Sophia, ensuite parce que le pôle de Meridia n'est pas encore bien défini, enfin parce que la fiscalité est trop élevée (la taxe professionnelle peut représenter jusqu'à 500 F par mètre carré soit la moitié du loyer !).La Côte d'Azur, surprise par la vigueur de la reprise, se doit donc de réagir vite si elle ne veut pas perdre le bénéfice de la vague qui commence à déferler. D'autant plus que la Net économie, qui pousse cette croissance nouvelle, demande beaucoup de réactivité. Aussi, une idée fait son chemin : si le privé n'est pas capable de prendre la mesure du phénomène, peut-être est-ce au public d'intervenir. Après tous les efforts de promotion qui ont été faits pendant les années de crise, il serait vraiment dommage de caler quand la croissance est là!