Et si les câbles sous-marins devenaient nos "oreilles" au fond des océans
Une "première". Des scientifiques azuréens ont montré qu’il est possible de détecter la propagation d'ondes sismiques et de capter les ondes acoustiques au fond des océans avec des câbles sous-marins de télécommunication. Super. Il y en a plus d'un million de kilomètres un peu partout et pourraient apporter plus d'un milliards de capteurs au cœur même de cette "terra incognita".
Et si les câbles de télécommunication sous-marins (il y en a 1,2 millions de kms de par le monde) devenaient nos "oreilles" au fond des océans et nous permettaient de capter les ondes acoustiques et sismiques qui s'y propagent. Ce n'est pas là de la science-fiction comme viennent de le prouver des chercheurs azuréens du CNRS, de l’OCA, de l’IRD et d’Université Côte d’Azur au laboratoire Géoazur, en collaboration avec la société Fébus Optics et le Centre de physique des particules de Marseille (CNRS/Aix-Marseille Université).
Ils peuvent détecter les séismes, la houle, le bruit sous-marin
Ces chercheurs ont montré pour la première fois qu’il est possible de détecter la propagation d'ondes sismiques au fond des océans avec des câbles sous-marins de télécommunication. D’après leurs observations, ces infrastructures existantes pourraient être exploitées pour détecter les séismes (sans hélas, pouvoir pour autant les prévoir ou les annoncer), mais aussi la houle ou encore le bruit sous-marin. Des résultats qui ont été publiés aujourd'hui 18 décembre dans la revue Nature Communications.
1,2 million de kilomètres de câbles de télécommunication tapissent le fond des océans (trois fois la distance de la Terre à la Lune). Composés de fibres optiques, ils rendent possible une grande partie de nos échanges par téléphone, SMS ou courriel. Et ils pourraient également bientôt acquérir une nouvelle fonction : capter les ondes acoustiques et sismiques.
La méthode employée
Les scientifiques ont ici utilisé un câble de 41 km, installé au large de la côte toulonnaise pour récupérer les données des capteurs d'un observatoire sous-marin situé à 2500 m de profondeur. La méthode mise au point tire parti de petites impuretés contenues dans les fibres optiques, qui renvoient vers l’émetteur une partie de la lumière qu’elles transportent. En étirant ou en contractant la fibre, le passage d’une onde sismique ou acoustique modifie de manière infime l’écart entre ces impuretés, et donc le signal renvoyé.
Encore fallait-il vérifier que ces différences étaient perceptibles car, dans les câbles sous-marins, les fibres optiques sont entourées de plusieurs couches isolantes. En injectant dans une fibre optique des pulses de lumière et en analysant le signal renvoyé, l’équipe a converti les 41 km de fibre optique en plus de 6.000 capteurs sismiques. Un séisme de magnitude 1,9 survenu au cours de l'expérience, pourtant localisé à plus de 100 km du câble, a été détecté par chacun des points de mesure avec une sensibilité proche de celle d’une station sismologique installée sur la côte.
Ils enregistrent l'empreinte des vagues sur le fond marin
Mais ce n’est pas tout expliquent les scientifiques : ces mesures sont aussi sensibles aux ondes qui se propagent au sein de l’océan, comme celles produites par la houle. Les auteurs ont ainsi enregistré l’empreinte des vagues sur le fond marin à proximité de la côte, et aussi leur effet sur la plaine abyssale, où elles génèrent le "bruit de fond sismique".
Ces capteurs ont ainsi permis, pour la première fois, d’observer comment sont produites ces très faibles vibrations qui agitent de manière permanente l’intérieur de la Terre et permettent aux géophysiciens de sonder sa structure. Les chercheurs et chercheuses supposent que, telle une ligne de microphones, un câble de télécommunication pourrait de la même manière capter le bruit sous-marin produit par les navires ou par les cétacés.
Les câbles sous-marins : des milliards de capteurs sismiques potentiels !
Face au défi (logistique et financier) que représente l’instrumentation des fonds marins, les câbles de télécommunication offriraient donc une solution pour mieux connaître cette terra incognita couvrant les deux tiers du globe, et répondre à une multitude d'enjeux scientifiques et sociétaux – séismes, érosion des côtes, interaction entre le vivant, l’océan et la "Terre solide", … Un certain nombre de câbles actuellement en service vont être "mis à la retraite" par les opérateurs de télécommunication au cours des prochaines années. Grâce à ces travaux, ils connaîtront peut-être une deuxième vie, conclut le CNRS.