Conférence : 'Europe et après' de Michel Albert
Avant-première du sommet européen de Nice en décembre : l'ancien président des AGF, a replacé l'arrivée de la monnaie unique dans le processus de construction d'une Europe politique.
En avant-première du sommet européen qui se tiendra à Nice les 7 et 8 décembre prochain, Michel Albert, en sa qualité de président du C.I.F.E. (Centre International de Formation Européenne) s'est exprimé devant les étudiants de l'Institut européen des Hautes Etudes Internationales, afin de replacer l'Euro dans un processus d'avancement de l'Europe politique dont le Forum européen de Nice pourrait constituer une étape importante.Michel Albert est également membre de l'Institut (Académie des Sciences Morales et Politiques). Ancien commissaire au plan puis président des AGF, cet inspecteur des finances sorti de l'ENA, est depuis 1994, membre du Conseil de la politique monétaire de la Banque de France.Trois visions de l'avenir européenLe titre 'l'Europe et après' pour cette conférence de l'Institut européen, avait de quoi alimenter les commentaires des europessimistes. Aussi n'était-ce pas dans la pensée de Michel Albert une expression de désabusement, mais plutôt une façon de replacer l'avènement de la monnaie unique dans le processus de construction d'une europe politiquement unifiée.L'avènement de l'Euro s'explique à partir de la coexistence de trois visions de l'avenir que Michel Albert oppose carrément entre elles en marquant sa préférence pour la vision qu'il qualifie de 'Rhénane', vision fédéraliste qui prévaut chez nos voisins allemands et dont le chancelier Kühl s'était fait le champion. Il y eût une époque où l'Allemagne regrettait ouvertement que l'Union politique ne précédât point l'Union monétaire. Michel Albert reconnaît que de Kühl à Schroeder, le militantisme allemand a bien tiédi.La vision française est qualifiée de 'bizarre, irrationnelle, anticartésienne' l'orateur estimant qu'une puissance européenne forte pour faire face aux Etats-Unis est incompatible avec le maintien d'une souveraineté nationale sans concessions. Quant à la vision britannique, celle qui exerce la plus forte influence, il s'agit d'une vision commerciale quant à ses objectifs et intergouvernementale pour ce qui concerne les moyens.L'Euro, un succès inachevéCette 'ambition française' comme l'appelle notre confrère Alain Duhamel est en partie, le résultat d'un troc entre Paris et Bonn : la réunification de l'Allemagne contre l'Euro. Dans les arrière-pensées françaises, la faiblesse du franc et le souhait de partager la crédibilité du deutchmark ont eu raison des réticences nationales à donner son indépendance politique à la Banque de France.Les difficultés de parcours que rencontre la monnaie unique depuis sa création démontre la nécessité de progresser vers une europe fédérale. L'Euro qui valait 1,18 $ au départ ne vaut aujourd'hui que 0,96 $ soit une baisse d'environ 20 %. Or dans un rapport du 3 Avril 2000, le F M I constate que l'Euro est sous évalué par rapport au dollar.Cette faiblesse injustifiée, essentiellement due à la centralisation de la politique monétaire américaine face à la dispersion de celle de l'Europe, donne une image déformée de la réalité économique de l'Europe. Mais gare aux retours de bâton : une brusque correction pourrait bien précipiter une nouvelle crise dont il serait aujourd'hui difficile d'appréhender les conséquences.