Stephan Brun : contre la suppression du commissariat aux comptes dans les SAS
Le projet de suppression du commissariat aux comptes dans les SAS (Sociétés par Actions Simplifiées), ne fait pas l'unanimité. Ce projet, inclus dans le projet de loi de modernisation de léconomie (article 14) présenté à partir du 23 mai devant lAssemblée Nationale, fâche notamment les Commissaires aux Comptes. A Sophia Antipolis, Stephan Brun, un des fondateurs d'Experts & Associés International, société de commissariat aux comptes près la Cour dAppel dAix-en-Provence et d'expertise comptable inscrite au Tableau de l'Ordre de la Région PACAC, a vivement réagi.
Dans un argumentaire, il explique pourquoi, selon lui, le projet va à l'encontre à la fois de la confiance dont léconomie à besoin en sapant la sécurité juridique des transactions sur les actions. Sans oublier également que cette mesure supprimerait environ 70.000 mandats sur les 210.000 mandats nécessitant un commissaire aux comptes en France (il y en a environ 15.000). L'argumentaire de Stéphane Brun, que l'on y adhère ou pas, vient éclairer le débat (les intertitres sont de la rédaction).
La plupart des SAS concernées
"En qualité de commissaire aux comptes, nous souhaitons attirer votre attention sur un article du projet de loi de modernisation de léconomie proposant la suppression du commissariat aux comptes dans les Sociétés par Actions Simplifiées en dessous des seuils prévus aujourdhui pour les SARL (dépassement de 2 des 3 critères : 3,1 millions deuros de chiffre daffaires, 1,55 million deuros de total de bilan et 50 salariés).
Créée par la loi n° 94-1 du 3 janvier 1994 puis ayant vu ses conditions de constitution considérablement élargies par la loi du 12/07/1999, la SAS est devenue à ce jour une forme juridique très fortement utilisée. Encadrée par les Code de commerce aux articles L.227-1 à L.227-20, dont le fondement repose sur la distinction entre détention du capital et du pouvoir, la SAS est organisée par une liberté contractuelle importante en vue de son fonctionnement et de louverture de son capital et nécessite donc, comme la Société Anonyme, la nomination dun commissaire aux comptes.
La SAS sert en pratique à permettre aux créateurs, fondateurs ou inventeurs à trouver des financements à plus ou moins long terme sans pour autant perdre le contrôle de leur société ; mais aussi aux entreprises familiales à organiser plus facilement le fonctionnement de leur structure ; pour les filiales de groupe, ou encore en vue dorganiser la transmission des entreprises. Or, le plus grand nombre des SAS est en dessous des seuils mentionnés : ces PME constituent lessentiel de notre tissu économique et ont droit à la sécurité financière.
A l'encontre de la confiance
Cette remise en cause dune obligation légale et de sécurité financière dans le Projet de loi de modernisation de léconomie va à lencontre :
Pour exposer nos propos, il suffit de reprendre la réponse ministérielle du 13 mars 2007 (Rép. min. n° 113697, JOANQ, 13 mars 2007, p. 2752 ; Question publiée au JO le : 19/12/2006 page : 13162) à la question dun parlementaire de savoir si, dans une SAS, la nomination dun commissaire aux comptes (CAC) pouvait être subordonnée au franchissement de certains seuils, à linstar de ce qui peut être admis dans les SARL.
SARL à capital fermé et SAS à capital ouvert
Le recours à un commissaire aux comptes est imposé par la loi lorsque lentreprise est constituée sous la forme dune société commerciale, afin de fournir des informations fiables sur létat du patrimoine de la société. Le patrimoine de la société constitue en effet le gage donné aux tiers qui entretiennent des relations daffaires avec la personne morale. Lobligation de sen remettre à lexamen impartial du commissaire aux comptes na pas la même force selon la nature de la société commerciale.
Ainsi, pour une société à responsabilité limitée (SARL), forme de société dont le capital est fermé à une libre participation des personnes extérieures, lexigence dun commissaire aux comptes apparaît seulement lorsque deux des seuils parmi le montant du bilan, celui du chiffre daffaires et leffectif moyen, sont atteints. Ces seuils sont des critères qui attestent dun niveau de développement critique à partir duquel la personne morale dispose dun poids économique conséquent justifiant le droit pour les tiers de disposer dune information financière rigoureuse à la hauteur des engagements contractés au nom de la personne morale.
Au contraire, la société par actions simplifiée (SAS) est en droit une société dont le capital est ouvert, cest-à-dire que les actions représentatives du capital social ont vocation à séchanger librement avec toute personne extérieure. Cette liberté déchange des actions est un élément attractif pour les investisseurs qui savent ainsi pouvoir se dégager de lentreprise.
Il importe, toutefois, que la sécurité juridique des transactions sur les actions soit garantie, notamment quune information fiable puisse être donnée sur lexistence du capital social représenté par les actions et la consistance du patrimoine social sur lequel les actions ouvrent des droits.
La vérification des comptes sociaux par une personne indépendante de la personne morale contrôlée, le commissaire aux comptes, est un moyen établi par la loi datteindre une information fiable sur laquelle fonder une transaction. Dans ces conditions, il ne peut être envisagé de supprimer le contrôle du commissaire aux comptes sur la SAS selon un critère de taille. »
Le commissariat aux comptes, outil de sécurité économique
La meilleure argumentation à notre propos est également reprise dans le contenu des récents discours des différents ministres en place
Ces interventions confirment, s'il en était besoin, que le commissariat aux comptes est un outil de sécurité économique et attestent de l'intérêt des missions des commissaires aux comptes pour les pouvoirs publics, notamment dans les PME, les SARL et les SAS.
Les risques de cette mesure de dérégulation
Nous attirons surtout votre attention sur les risques et les coûts plus importants pour lEtat que font courir cette mesure de dérégulation :
Si cette mesure était adoptée, accepteriez vous de cautionner tous ces risques ?
Environ 70.000 mandats sur 210.000 seraient supprimés
Par ailleurs, cette mesure supprimerait environ 70.000 mandats sur les 210.000 mandats nécessitant un commissaire aux comptes en France (dont le nombre est denviron 15.000) - chiffres CNCC-, soit :
Cest pourquoi, nous vous demandons de ne pas suivre cette incohérence entre le discours tenu depuis toujours, la sécurité financière des sociétés de notre pays et ce projet de loi établi sans concertation. Nous vous recommandons de faire amender ledit projet de loi en supprimant cet article ou en votant contre lors des séances."
Contact Stephan Brun, Commissaire aux comptes près la Cour dAppel dAix-en-Provence, Expert-comptable spécialisé en normes IAS/IFRS; E-mail : sbrun@experts-eai.com Bureaux : Green Side - 400, Av Roumanille - BP 309 - SOPHIA ANTIPOLIS (06906) Tél : 04 93 00 12 44 / Fax : 04 93 00 12 45 Web : www.experts-eai.com
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