Nice : la bataille de l'aéroport est engagée
Alors que la Loi Macron et son article 49 autorisant la privatisation des aéroports de Nice et de Lyon est en discussion à l'Assemblée nationale, le combat contre la privatisation s'organise : Christian Estrosi dénonce une spoliation des collectivités locales par l'Etat à l'Assemblée et organise un référendum jeudi 19 à Nice; la CCI NCA plaide pour un cahier des charges garantissant un aéroport au service du territoire et l'UPE06, essaie de constituer un pool d'investisseurs locaux crédible.
C'est dit : la Côte d'Azur ne se laissera pas surprendre comme Toulouse. Elle a d'ores et déjà lancé la bataille de l'aéroport. Bien avant que ne soient engagées les premières manœuvres concrètes de la privatisation. Pour éviter ce qui s'est passé avec le rachat de la plateforme aéroportuaire toulousaine par des capitaux chinois, l'alerte avait été donnée dès le mois d'août dernier par le député-maire de Nice Christian Estrosi. Elle s'est transformée en branle-bas de combat aujourd'hui alors que la loi Macron, qui prévoit justement cette cession au privé des aéroports de Nice et de Lyon, est en discussion au Parlement et pourrait entrer en vigueur d'ici juin ou septembre au plus tard.
Référendum : Etes-vous favorable à la privatisation de l’Aéroport Nice Côte d’Azur ?
Premier tir de barrage : le referendum local qui avait été annoncé sur la question de la privatisation aura bien lieu. Tout est déjà organisé pour sa tenue la semaine prochaine. Le jeudi 19 février, les niçoises et les niçois seront appelés aux urnes de 8 heures à 21 heures pour émettre leur avis en répondant par OUI ou par NON à la question suivante : "Etes-vous favorable à la privatisation de l’Aéroport Nice Côte d’Azur ?" Quelque 45 bureaux de vote seront ainsi ouverts à Nice, tandis qu'en ville de grandes affiches fleurissent un peu partout en faveur du "non" avec le message "Je vote Non à la spoliation du patrimoine des Niçois et des azuréens".
C'est l'un des arguments que Christian Estrosi a fait valoir à l'Assemblée nationale dans la nuit de lundi à mardi quand il s'est adressé aux députés et à Emmanuel Macron, pour s'opposer aux dispositions contenues dans l’article 49 du projet de loi (l'article qui autorise la privatisation). "Si aujourd’hui vous pouvez vous permettre de le vendre (l'aéroport azuréen) dans des conditions de valorisation estimées de 800 millions à un peu plus d’un milliard d’euros ce n’est pas parce que vous l’avez valorisé, ce sont les collectivités qui l’ont valorisé," a souligné le député-maire qui n’a pas hésité à parler de "spoliation" des collectivités locales par l’État. On retrouvera son intervention dans la vidéo de la chaîne parlementaire ci-dessous.
Au-delà de cette éventuelle "spoliation", une idée forte s'impose : dans un département enclavé comme les Alpes-Maritimes, l'aéroport n'est pas un actif comme un autre, mais un instrument essentiel au développement du territoire. Son pilotage doit donc suivre une autre logique que l'enrichissement exclusif d'actionnaires privés. Il doit prendre en compte également l'enrichissement de l'ensemble de l'économie locale.
La CCI Nice Côte d'Azur veut jouer l'option cahier des charges
C'est l'angle qu'a choisi la CCI Nice Côte d'Azur qui, rappelons-le, a été l'un des acteurs majeurs du développement de la plateforme aéroportuaire. Elle en a assuré la gestion jusqu'à fin 2007, reste un actionnaire clé avec 25% des parts de la société dont Bernard Kleynhoff, président de la CCIT est président du conseil de surveillance. Plutôt que d'attaquer le principe de la privatisation, la chambre consulaire a considéré que le cahier des charges à rédiger par l’Agence des Participations de l’Etat jouera un rôle essentiel.
C'est ce cahier des charges qui doit garantir les conditions de développement durable des Aéroports au service des azuréens (n'oublions pas qu'il s'agit également des aéroports de Cannes-Mandelieu et de Saint-Tropez qui font partie de la Société des Aéroports de la Côte d'Azur). Lors de sa dernière Assemblée générale, la CCI Nice Côte d'Azur a demandé d’inscrire dans ce cahier des charges les exigences suivantes :
- La continuité de la stratégie actuelle (validée par tous les actionnaires actuels) : maintien des projets déjà lancés (T1, T2, extension de T2), maintien des engagements d’ACA sur la ligne 2 du tramway, ambition de créer à Nice un leader européen de l’aviation d’affaires.
- Un projet industriel de long terme construit et étayé, présentant en détail les objectifs de développement et les retombées pour notre territoire.
- La durabilité de l’engagement des acquéreurs : 10 ans minimum en interdisant les allers retours d'investisseurs purement financiers.
- La continuité de l’engagement en faveur du développement durable : relations avec les riverains et les élus territoriaux, obtention de l’Airport-Carbon Accréditation (au plus tard en 2018), actant la neutralité carbone de l’aéroport.
- Indépendamment de notre représentation au capital, obtenir pour la CCI et les collectivités locales une association à la négociation des grandes orientations stratégiques.
- Un projet social, présentant en détail les objectifs sur les plateformes, les perspectives de maintien, et de développement des emplois.
En complément, autre grande revendication azuréenne dans le domaine du transport aérien, Bernard Kleynhoff a demandé une audience au ministre Laurent Fabius pour obtenir au préalable un accord durable sur l’ouverture des droits de trafic en général et plus particulièrement vers l’extrême Orient, Dubaï et Doha.
Un pool d'investisseurs locaux en constitution
Quant à l'UPE06, son président Yvon Grosso devait s'exprimer sur la position de l'Union Patronale lors d'une conférence de presse initialement prévue le 18 février, puis avancée au 13 du même mois et finalement annulée. On en reste à la position qu'elle a déjà fait valoir : là également, plutôt que de s'opposer frontalement à la privatisation, chercher à assurer que cet outil restera au service du développement du territoire. Ainsi, l'UPE06 a plaidé pour une densification du cahier des charges et l'ajout d'une contrainte de service public.
Si l'union patronale est bien consciente qu'il lui est pratiquement impossible de trouver des investisseurs locaux à hauteur du prix des parts de l'aéroport qui seront mises sur le marché, en revanche, elle cherche aujourd'hui a constituer un pool d'investisseurs locaux assez crédible pour convaincre un gros investisseur de s'associer à lui dans la reprise de l'aéroport Nice Côte d'Azur.
Vidéo
Christian Estrosi à l'Assemblée Nationale : "il n'y a aucune légitimité à mettre en vente à un actionnaire majoritaire"
PS 06 : non à la privatisation de l'Aéroport de Nice, mais…Côté opposition PS, c'est d'accord pour un "non à la privatisation". Mais David Nakache, secrétaire fédéral du Parti Socialiste 06, a cependant dénoncé le coût de la campagne du référendum. Il écrit dans un communiqué : "Quand bien même nous sommes opposés à la privatisation de l'aéroport de Nice, quand bien même nous sommes par principe favorables à la consultation populaire locale, nous sommes en droit de nous interroger sur la pertinence de celle-ci, notamment au regard de son coût, annoncé à 100 000 € en Conseil Municipal." Patrick Allemand, conseiller municipal et communautaire, s'est de son côté étonné de ce que la CCI n’appelle pas à voter "non" à la privatisation ! "C’est avec stupéfaction que je constate que la Chambre de Commerce et d’Industrie de Nice, détentrice de 25 % des parts du capital de l’aéroport de Nice Côte d’Azur, demande au gouvernement que soit inscrit dans le cahier des charges de la privatisation, un certain nombre d’exigences. Cela signifie, ni plus ni moins, que la CCI accepte le principe de la privatisation totale de l’aéroport, contrairement à la belle unanimité de l’ensemble du Conseil municipal qui y est opposé." |