Regard franco-américain sur l'éducation : le tournant du "Common Core" aux Etats-Unis
Sans une meilleure préparation des élèves du primaire et du secondaire le taux d’échec à l’université sera toujours aussi élevé. Aux Etats-Unis, afin de mieux préparer les jeunes aux défis de la société de la connaissance, un "Common Core" (tronc commun des connaissances) a été élaboré pour l'ensemble des Etats. Nouveauté par rapport à l'esprit pratique américain : le CC met l'accent sur les capacités analytiques, l’analyse critique et le raisonnement quantitatif.
Maxime Crener a dirigé le Ceram à Sophia et développé l'Université Internationale de Monaco. Son épouse, Sandrine, est Research Associate à la Harvard Business School. Tous deux, installés depuis cinq ans à Boston, ont gardé un pied sur la Côte d'Azur. Ils sont aussi souvent appelés par des amis azuréens ou monégasques inquiets pour l'avenir de leurs enfants. D'où l'idée de cette rubrique hebdomadaire sur les problèmes actuels de l'éducation avec un point de vue posé des deux côtés de l'Atlantique.
Leur chronique de cette semaine intitulée "Le Common Core : une bataille pour l’amélioration du secondaire", reste dans la ligne de la bataille de l'intelligence et de la connaissance abordée la semaine dernière. Par un "tronc commun des connaissances", il s'agit de mieux préparer les élèves du primaire et du secondaire à réussir leurs études universitaires. Voici leur texte.
Le « Common Core » : une bataille pour l’amélioration du secondaire
La semaine dernière le magazine Le Point publiait un document sur l’Ecole et les méthodes qui marchent. Au même moment nous assistions à une réunion de travail dans une école secondaire de Boston ou professeurs du secondaire et du supérieur discutaient sur le Common Core State Standards (CC : le tronc commun des connaissances pour aborder des études supérieures).
Les mêmes questions et les mêmes préoccupations mais des approches différentes pour les aborder. En France un Etat tout puissant et centralisateur décrète et fait appliquer les mêmes règles dans l’ensemble du territoire; aux USA cinquante Etats aux règles différentes légifèrent pour le bien de leurs élèves respectifs. Mais le constat est là : il faut des deux côtes de l’océan s’améliorer et innover.
Sans une meilleure préparation des élèves du primaire et du secondaire le taux d’échec à l’université sera toujours aussi élevé (voir notre note de la semaine dernière). De nombreuses études aux USA montrent qu’il serait nécessaire de donner des cours d’appoint à au moins 50% des étudiants d’une cohorte de Bac+2 (Community College) et a 20% des étudiants d’une cohorte de B+4. On a calculé que les efforts entrepris par les Universités pour régler ces problèmes avaient un cout total annuel de 10 milliards de dollars !
Ainsi cette réalité, ayant un cout énorme pour l’Etat et la société, a fait qu’en 2009 des experts en évaluation de l’éducation et des politiques se sont accordés pour préparer pour la première fois un CC commun à tous les Etats des USA (aujourd’hui 45 Etats ont signé cette entente) ayant des standards nouveaux afin de mieux préparer les jeunes aux défis de la société de la connaissance.
Ce CC dont les recommandations devraient être suivies à partir de l’année 2015, propose une reformulation des principes fondamentaux de l’apprentissage en renforçant l’analyse critique, le raisonnement et la résolution des problèmes en minimisant le rôle de la mémorisation et en insistant par contre sur les capacités d’analyse critique que les citoyens et les agents économiques de la société contemporaine nécessitent.
Le changement majeur, ici, nous semble être celui porté aux mathématiques : jusqu’ à présent on s’attachait à obtenir le résultat du problème posé; dans la nouvelle optique il y a une attention plus forte sur l’aspect conceptuel, c’est à dire qu'on s’attachera à mieux comprendre le raisonnement qui amène le résultat. Comme le note Jean-Michel Blanquer, directeur Général de l'ESSEC et auteur de l’article dans le Point cité ci-dessus, les sciences cognitives montrent le bénéfice d’une exigence forte en début de parcours.
C’est nouveau dans l’esprit américain, très porté sur la pratique, et ce changement majeur est un signe avant-coureur de la sophistication de la nouvelle société du 21ème siècle qui se dessine à l’horizon 2030. Ainsi les études du Professeur Joshua Goodman viennent confirmer que l’amélioration des programmes en mathématiques a un effet positif sur les scores des tests, le taux de graduation du secondaire et le nombre d’inscrits en université.
Il est intéressant, d’ailleurs de noter que cette préoccupation récente qui s’inscrit dans cette nouvelle vision de l’enseignement secondaire n’est pas étrangère aux résultats obtenus par les USA dans les dernières évaluations PISA ou certains états performent et rivalisent avec les meilleurs pays. Les nouveaux standards du CC ont été préparés pour accomplir des objectifs communs à la société américaine mais chaque Etat est libre de formuler ses propres stratégies d’application en fonction de leur état et situation propres.
La réforme entreprise est une bataille qui doit dépasser les frontières des états car une meilleure éducation n’implique pas simplement une meilleure productivité mais aussi une garantie plus grande dans l’égalité des chances de réussir. Tous les professeurs qui ont travaillé à partir des nouveaux standards semblent très satisfaits, ceux-ci sont beaucoup plus forts que les traditionnels standards K-12 (cycle secondaire) et l’emphase sur les capacités analytiques, l’analyse critique et le raisonnement quantitatif consolident le socle de connaissances et de compétences nécessaires pour poursuivre des études universitaires ou être mieux préparer pour affronter les défis de demain.
- Repères : http://www.corestandards.org
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Sandrine et Maxime Crener