Grasse veut mettre le parfum au patrimoine de l'humanité
Le Pays de Grasse poursuit sa marche vers une inscription au Patrimoine immatériel de l'Humanité de ses savoir-faire liés au parfum. Après avoir franchi en avril une première étape (l'inscription au Patrimoine Immatériel de la France), son association du Patrimoine Vivant organise vendredi, dans le cadre de sa démarche, un second colloque international sur un thème bien ciblé : "Se parfumer, un acte d'humanité".
Grasse continue sa marche vers une inscription au Patrimoine immatériel de l'Humanité de ses savoir-faire liés au parfum. Une première étape importante a déjà été franchie en avril dernier : l'inscription à l’inventaire du Patrimoine Immatériel de la France. La seconde étape est engagée cette semaine. Un an après un premier colloque qui lançait la demande officielle d'inscription auprès des membres du Ministère de la Culture et de la Communication et de la Commission Française pour l’UNESCO, l'Association du Patrimoine Vivant du Pays de Grasse organise vendredi 17 octobre, dans le cadre de la démarche de candidature, un second colloque international sur le thème "Se parfumer, un acte d'humanité".
Ce colloque, qui se déroulera à la Bibliothèque Patrimoniale de Grasse (Bd Antoine Maure), a choisi l’Inde comme invitée d’honneur. Il est placé sous la présidence de Philippe Lalliot, Ambassadeur de France auprès de l’UNESCO et de Patrick de Carolis, co-président d’honneur de l’association. Autour des "porteurs" du projet grassois soutenus par le sénateur Jean-Pierre Leleux et le maire Jérôme Viaud, sera réunie la communauté du parfum: cultivateurs de plantes à parfum, connaisseurs des matières premières naturelles, spécialistes de la transformation, artistes parfumeurs ainsi que des enseignants, des chercheurs, des élus, des scientifiques, des habitants. L'occasion également de rappeler le sens de la démarche du pays de Grasse, son histoire olfactive, de présenter l'association et les prochaines étapes de son grand challenge.
Pays de Grasse : la saga du parfumEntre Préalpes et mer, séparé de la côte méditerranéenne par le massif de l’Estérel, le Pays de Grasse bénéficie d’un microclimat exceptionnel, de sources en abondance qui lui ont permis au cours des siècles d'accumuler un cheptel considérable. C'est ce qui explique que, dès le XIVème siècle, la tannerie constitue son activité principale. Au XVIIème siècle, l’activité de la tannerie se renforce avec la mode des cuirs parfumés venue d’Italie. La corporation des gantiers-parfumeurs est ainsi créée. Les gantiers sont approvisionnés en huiles essentielles par les paysans, qui distillaient sur place les plantes aromatiques sauvages. Cette collaboration explique une interdépendance constante, vivace aujourd’hui encore, entre cultivateurs et parfumeurs. Au milieu du XVIIIème siècle, la ganterie disparaît au profit de la parfumerie. La transformation des matières premières naturelles évolue : elles sont traitées en usine, supplantant une longue tradition de distillation sur les lieux de culture, dans des alambics familiaux servant également à la production d’alcools. C’est dans la première moitié du XXème siècle que la culture des plantes à parfum connaît son apogée : près de 2.000 hectares sont cultivés dans le Pays de Grasse (800 ha de jasmin, 700 ha de roses, 65 ha de tubéreuses, et de nombreuses cultures d’orangers, de violettes, de verveine, de menthe…). Entre 1900 et 1923, la récolte de jasmin passe de 200 tonnes à 1300 tonnes. C’est à cette époque que l’usine Chiris crée des filiales dans le monde entier, exportant ainsi les savoir-faire locaux en matière de culture des plantes à parfum et de traitement des matières premières naturelles. Parallèlement, des recherches sur les plantes à parfum sont lancées dans le Jardin d’essais créé à Grasse en 1927. En 1932, il est repris par l’INRA d’Antibes et la Chambre d’agriculture des Alpes Maritimes, jusque dans les années 1980. Depuis les années 1970, la transmission de la culture de plantes à parfum est fragilisée du fait de la mondialisation. Face à la menace de disparition de ce savoir-faire, les cultivateurs du Pays de Grasse font acte de résistance en s’appuyant sur la coopérative Cooparfum pour vendre leur production aux usines du Pays de Grasse (Grasse, Le Bar-sur-Loup, Vallauris) et en se regroupant au sein d’associations comme Fleurs d’Exception. Depuis les années 2000, on constate un nouvel élan autour d’une vision nouvelle des modes de productions de matières premières naturelles, ainsi que l’amorce d’un travail de conservation d’un patrimoine végétal menacé. Aujourd’hui, environ 40 hectares de plantes à parfum sont encore cultivés dans le Pays de Grasse par des agriculteurs motivés, soucieux de transmettre leurs savoir-faire. |