Yves Klein, chevalier de la couleur
Nice rend hommage à l'un de ses plus fulgurants artistes. L'occasion d'une superbe rétropective au MAMAC autour d'une œuvre qui, portée par les 'bleus Klein', a marqué la fin du XXème siècle.
La première rétrospective de l'artiste en France depuis l'exposition organisée en 1983 au Centre Georges Pompidou. Le musée d'Art Moderne et d'Art Contemporain de Nice, promenade des Arts, rend jusqu'au 4 septembre, un hommage éclatant au niçois Yves Klein dont le passage fulgurant parmi ses contemporains, a laissé des traces durables. Né rue Verdi à Nice le 28 avril 1928, sa vie s'est achevée 34 ans plus tard le 6 juin 1962 à Paris. Les organisateurs ont ouvert l'exposition au public le jour anniversaire de sa naissance.'Mon beau ciel bleu sans nuage'Lors de son adoubement de chevalier de Saint Sébastien en 1956, Yves Klein s'affirme comme le chevalier servant de la couleur et rien ne convient mieux à son oeuvre que ce qualificatif de chevalerie au service de 'la couleur'. C'est l'essentiel de son serment de chevalier qu'il traduit ainsi : 'J'épouse la cause de la couleur pure envahie par ruse, occupée et appropriée lâchement par la ligne et sa manifestation le dessin dans l'art, afin de la défendre, de la délivrer et de la conduire au triomphe et à la gloire finale.'Iris Clert chez qui il expose dans sa galerie du 3 de la rue des Beaux Arts en 1958, voit dans ce manifeste 'l'avènement lucide et positif d'un certain règne du sensible'.Mais l'oeuvre de Klein va beaucoup plus loin qu'une sensibilité hors du commun qui le fait réagir, parfois d'une manière inattendue à son environnement : 'Ce jour là, alors que j'étais étendu sur la plage de Nice, je me mis à éprouver de la haine pour les oiseaux qui volaient de ci de là dans mon beau ciel bleu sans nuage, parce qu'ils essayaient de faire des trous dans la plus belle et la plus grande de mes œuvres.'La tentation spirituelleAu printemps de 1955, le jury du salon des Réalités Nouvelles réservé aux peintres abstraits, lui refusa un monochrome rouge intitulé : Expression de l'univers de la couleur mine orange. Le jury expliquait ses raisons : 'si Yves acceptait au moins d'ajouter une petite ligne ou un point, ou même simplement une tache d'une autre couleur, nous pourrions l'accrocher'.La démarche têtue de Klein dont témoigne précisément sa série de monochrômes des années 50 le conduisait immanquablement à la quête du pourquoi au delà du simple comment. Son questionnement métaphysique se manifestait dès 1948, lorsqu'il découvrit la Cosmogonie des Rose-Croix dont la doctrine ésotérique devint pour lui un élément de réflexion quotidienne pendant cinq ans. En juin 1948, Yves Klein s'inscrivit à la société des Rose-Croix d'Oceanside en Californie. Il résiliera son engagement en 1953 après avoir découvert une autre spiritualité que lui offraient les Arts Martiaux au Japon.La voie du guerrier et celle des dieuxPendant les quinze mois qu'il passa au Japon, il découvrit le Judo dont il gravira un par un les échelons pour revenir en France avec le quatrième dan de l'Institut Kodokan, le plus haut grade conféré à cette époque à un européen. Dans la pratique de ce qui au delà du sport est au Japon un véritable code de comportement moral et spirituel, Yves Klein s'imprègnit d'un art, o combien dépouillé qui le confortait dans une démarche qu'il avait adoptée depuis ses débuts.C'était une autre démarche de chevalerie qu'il découvrait et qui devait justifier plus tard son manifeste de 1956, lors de son admission dans la confrérie des chevaliers de Saint Sébastien.Le bleu Yves Klein…De toutes les couleurs, c'est le bleu qui va dominer son inspiration à partir de 1957 : expositions à la galerie Apollinaire à Milan, à la galerie Iris Clert à Paris, vernissage avec le lâcher de 1001 ballons bleus dans le ciel de Paris, à la galerie Schmela de Düsseldorf, à la galerie One de Londres. Dans la capitale britannique, la polémique sur les parti pris d'Yves Klein prendra des proportions imprévues.En Janvier 1958, Yves Klein obtint une importante commande pour la décoration du nouvel opéra de Gelsenkirchen. Plus tard, en 1960, Klein va enrichir son art et le compléter. La série des Monogolds réalisée entre 1960 et 1961 fait intervenir l'or fin dans sa composition. Certains monogolds présentent des reliefs concaves dans lesquels les feuilles d'or couvrantes ont été polies jusqu'à acquérir un pouvoir de réflexion.…ou l'accession à l'immatérielDès 1960, Klein enrichit ses bleus en réalisant les empreintes de deux modèles qui laissent des traces bleues sur une grande feuille de papier blanc. Cette oeuvre sera baptisée : Célébration d'une nouvelle ère anthropométrique ; suivra Anthropométries : trois modèles nus, après s'être enduits de peinture bleue, apposèrent leurs empreintes sur des papiers blancs disposés sur les murs et le sol de la galerie internationale d'art contemporain, rue Saint Honoré. La mise en scène accompagnée d'une gestuelle complexe est dirigée par Yves Klein, devant un nombreux public en habit de soirée qui, après le spectacle, participera à un débat animé par Georges Mathieu et Pierre Restany. Pour être exhaustif, il faudrait mentionner les moulages en plâtre, dont le portrait-relief d'Arman, son exposition Les Antagonismes, etc.L'exposition Yves Klein organisée par le MAMAC de Nice, rend hommage à un artiste de renommée internationale dont la maturité de pensée s'exprimait par l'artiste lui-même au cours d'un colloque en Juin 1955 à la Sorbonne intitulé : L'évolution de l'art vers l'immatériel.'Je devais arriver dans mon évolution à une architecture de l'air, parce que seulement là, je peux enfin produire et stabiliser la sensibilité picturale à l'état de matière première. Jusqu'à présent, dans l'espace architectonique encore très précisé, je peins des tableaux monochromes dans une manière la plus éclairée possible ; la sensibilité couleur encore très matérielle doit être réduite à une sensibilité immatérielle plus pneumatique.'