C'est un peu un nouvel épisode de l'éternel combat de David contre Goliath sous fond cette fois de gratuité sur Internet qui se joue. NSP, petite société sophipolitaine (5 personnes, 200.000 euros de CA annuel) spécialisée dans le Web Analytics, attaque en justice le géant Google. Elle l'a assigné en mai dernier au tribunal de commerce de Paris pour pratiques anti-concurrentielles dans le cadre de la distribution gratuite du service Google Analytics. La première audience est prévue le 11 septembre 2008.
La gratuité du Net en question
NSP (Net Solution Partner), créée en 1999 et basée aux Espaces Antipolis, est la société éditrice de la suite logicielle de marketing en ligne SmartProfile. "Google propose sa propre solution de mesure daudience, Google Analytics depuis 2006, note Julien Musso, ancien élève du Ceram Sophia et directeur du marketing de la société. Mais pour nous les vrais soucis sont apparus courant 2007 quand Google a lancé une nouvelle version de Google Analytics offrant gratuitement les services de base que nous proposons. Même si nous avons d'autres fonctionnalités qui ne sont pas prises en compte par Google Analytics, de plus en plus de clients ou de prospects se sont interrogés : pourquoi payer ce qu'on peut avoir gratuitement?"
La loi française prohibe la pratique de prix abusivement bas et la vente à perte
"Il faut savoir deux ou trois choses pour bien comprendre notre position", poursuit Julien Musso. "Les entreprises qui souhaitent analyser laudience générée par leur site Internet et comprendre le comportement de leurs visiteurs ont recours à des solutions de mesure et de qualification daudience (solutions de Web Analytics). Dans ce secteur, le marché français est en grande partie composé dacteurs proposant des solutions en mode ASP (solutions dont larchitecture est hébergée et gérée par les éditeurs)".
"Afin de capter un maximum de parts de marché dans les plus brefs délais, Google a fait le choix de distribuer gratuitement sa solution sans aucune contrepartie pour les utilisateurs, en finançant les coûts de développement et dexploitation par les recettes publicitaires générées par son offre de liens commerciaux (la société Google a enregistré un bénéfice net de plus de 4 milliards de dollars pour lannée 2007). Dans le cas de la distribution gratuite de sa solution Google Analytics, nous estimons que Google enfreint la loi française et européenne qui prohibe la pratique de prix abusivement bas et la vente à perte. La stratégie du moteur de recherche est peut être valable aux Etats-Unis mais pas en France comme par ailleurs en Europe."
Pour l'avocat Xavier le Cerf, un cas d'école de pratiques anticoncurrentielles
Cette action en justice, NSP a commencé à l'envisager il y a donc une bonne année. Il ne l'a lancée qu'en mai après avoir bien pesé ses arguments. Pour Xavier le Cerf, avocat de NSP basé à Sophia-Antipolis, "la mise en uvre de services gratuits, à forte valeur ajoutée tels les services de mesure daudience des sites Internet, alors même que des services similaires ou semblables sont déjà commercialisés par des acteurs économiques tels ceux de NSP, constitue un cas décole de pratiques anticoncurrentielles. Ces dernières, rendues possibles à Google grâce à une position dominante acquise sur les liens commerciaux, lui permettent dévincer du marché ses concurrents. Elles écornent également considérablement limage de NSP dont les clients se demandent pourquoi ils paient un service, désormais délivré gratuitement par Google".
"Or le service Google Analytics a un coût que Google ne répercute pas sur le consommateur, grâce à sa puissance financière et à sa position dominante. Il nen demeure pas moins que les nouveaux services permis par lInternet doivent se plier aux règles de la concurrence comme nimporte quel autre secteur dactivité. La violation de ces règles par le géant américain est un frein à linnovation et à lemploi. Demain Google coiffera-t-il "gratis" ?", ironise l'avocat.
L'action a donc pour objet d'obtenir la cessation par Google de ces pratiques estimées anti-concurrentielles et subies par la société NSP du fait de la distribution gratuite de la solution de mesure et danalyse d'audience Google Analytics.
Protéger les emplois et linnovation
NSP se positionne aussi sur le terrain de la protection des emplois et de l'innovation. "Larrivée de nouveaux acteurs ou de nouvelles offres est stimulante pour le marché et au final bénéfique pour les clients", poursuit Julien Musso. "Mais dans le cas de la solution Google Analytics, la gratuité a pour conséquence de détruire de la valeur sur le marché de lédition de logiciel de Web Analytics. A court terme ce sont des emplois menacés et surtout la capacité des sociétés hexagonales à financer la R&D et à innover qui est en péril."
"Malgré les efforts des gouvernements successifs pour favoriser linnovation et le développement de léconomie numérique, on voit mal comment les entreprises françaises pourront faire face à de telles pratiques anti-concurrentielles lorsquelles viennent du géant du Web, leader incontesté du "search marketing", qui dispose de limage et de la trésorerie nécessaire pour évincer les éditeurs de solutions concurrentes. Cette action est un peu la version moderne de David contre Goliath, avec à la clé, la défense de notre capacité à innover et à recruter une équipe de qualité pour être à la pointe dans le secteur des nouvelles technologies et ainsi offrir le meilleur à nos clients et ce, en toute transparence " conclut Julien Musso.
Côté Google, pas de commentaires. Juste un rappel : Google Analytics est une offre gratuite utilisable par tous, mais pour des entreprises ayant des besoins plus avancés il existe aussi une offre payante qui est celle d'Urchin, l'entreprise rachetée en 2005 qui a développé Google Analytics.
Affaire à suivre à la rentrée de septembre.
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L'éco de la Côte.