Start-up à Sophia : la première crise
Activités en baisse, difficultés accrues pour lever des fonds : la nouvelle économie affronte sa première tempête sur la technopole. Avec son lot de fermetures et de restructurations. Le point.
Les nouvelles venues de Sophia Antipolis vont vite et ont tendance parfois à se déformer. Ainsi La Tribune, dans son édition du 5 avril titrait-elle ' Coup de froid sur les start-up à Sophia-Antipolis' en faisant état des fermetures et des restructurations en cours dans le monde des start-up azuréennes. Il était évoqué la suppression d'environ 150 emplois suite à cette conjoncture difficile venue entre autres des Etats-Unis. Un point tout à fait en rapport avec la réalité sur le terrain. En revanche, dans les informations de Yahoo, la bourrasque actuelle devenait tornade avec un titre très alarmiste : 'Les malheurs de Sophia Antipolis : vent de panique sur les start-up'. Qu'en est-il exactement ?Trader, HealthCenter, Up-e : premiers échecsC'est vrai : les nouvelles ne sont pas toutes bonnes. Sophia Antipolis, dont les start-up sont considérées comme très 'technos' (elles créent de nouveaux produits technologiques et sont moins orientées vers les modèles Business to consumer qui souffrent beaucoup depuis un an), ont été moins touchées par l'e-krach. Néanmoins, le coup de vent a été ressenti. Quelques fermetures et liquidations sont déjà intervenues ou sont en cours. Les premières chutes significatives auront été celles de Trader.com, d' HealthCenteret de Up-e.Trader.com était parti sur un projet pharaonique : une plate-forme générique permettant de gérer l'ensemble des sites de petites annonces d'une vingtaine de pays dans lequel le groupe était présent. Le projet a échoué. A partir d'août 2000, ce fut la décrue, l'implantation passant d'une soixantaine d'ingénieurs à moins de dix actuellement avec une fermeture quasi programmée. Pour Healthcenter, ex-Focus Imaging, un premier plan social visant la moitié des 35 personnes travaillant dans cette filiale de la société américaine éponyme, arrivait fin décembre. Un second plan social en début d'année concernait le reste du personnel hors le dirigeant. Up-e (dix employés), la bourse des start-up, n'aura pas vécu une année. Ouverte en mars 2000, en pleine euphorie de la 'nouvelle économie', elle coulait en février 2001, première victime sophipolitaine de l'e-krach.Le cas d'Aucland, start-up azuréenne emblématiqueDepuis d'autres fermetures ou restructurations ont été annoncées ou sont discrètement en cours. Le cas le plus significatif et qui risque d'être le plus douloureux est celui d' Aucland. Le site de vente aux enchères fondé par Fabrice Grinda et Sacha Fosse-Parisis n'a pas réussi à prendre une position de leader sur le marché ne serait-ce que français. I-Bazar, désormais propriété du géant américain eBay, l'avait peu à peu devancé. L'écart depuis s'est nettement accentué. Aucland, figure emblématique des start-up azuréennes, réduit très nettement la voilure, se séparant sur Sophia Antipolis d'une cinquantaine de personnes sur une soixantaine (d'autres suppressions d'emplois ont lieu sur les autres sites de la société). A moyen, voire à plus ou moins court terme, il est possible même de s'inquiéter sur l'avenir de la start-up qui n'a plus guère comme possibilité que d'être rachetée ou adossée à un grand groupe.Autres cas de figure : dans la tempête, les start-up américaines suppriment leurs implantations européennes. Il en est ainsi pour Worldres, site de réservation hôtelier (10 personnes); pour Vistaprint(une quinzaine d'employés) l'imprimerie par Internet; pour Kanbay France(5 employés) qui créait des plate-forme d'e-business; pour WWWhoosh(15 personnes), logiciel d'accélération de site web. Par effet de domino, certaines start-up sont aussi victimes de leurs clients qui tombent, ou des entreprises qui décident de différer des investissements. Autant d'impayés ou de contrats qui s'éloignent ou disparaissent. Ainsi l' Agence Techtonic, spécialisée dans le marketing sur le Net (9 employés)qui, en début d'année a perdu pour 1,2 millions de francs de contrats. Difficilement parable.Alerte dans la microélectronique et les télécomsL'autre problème majeur rencontré est celui des levées de fonds. Faute de pouvoir trouver des liquidités, certaines start-up sont obligées de réduire notablement la voilure comme Viviance. Pourtant remarquablement positionnée sur le secteur de l'e-learning, cette filiale d'une société suisse, qui aurait dû compter suivant les plans de marche 25 employés, redescend de 12 à 6 personnes. Si les procédures de licenciements ont été engagées, la direction de Viviance France se bat cependant pour éviter que ces suppressions d'emplois ne soient concrétisées. Ayant de gros contrats en vue, elle espère ainsi garder une équipe qui s'est révélée très performante et même reprendre l'expansion qui était envisagée.Les secteurs microélectronique et télécoms risquent, eux aussi, de débaucher. Kast Telecomqui a connu des difficultés de paiement ces derniers mois (ils seraient en cours d'être résorbés selon la société) pourrait lui aussi réduire les effectifs. Quant aux équipementiers américains ou canadiens, ils sont dans l'attente des décisions de leurs maison mère. Mais les décisions de Lucent Technologies, de Nortelde couper dans les effectifs au plan mondial ont peu de chance de ne pas se répercuter peu ou prou sur Sophia.Même si elle est inconfortable, la situation n'est cependant pas pour autant encore dramatique car le marché sophipolitain de l'emploi reste ouvert. Pour une bonne part, les employés qui doivent partir retrouvent un emploi chez ceux qui continuent d'embaucher (bon nombre de start-up embauchent encore comme Castify Networks, Activia, m.Pixel, Pro Solution,etc, ainsi que des grands groupes comme Amadeus). Tout juste la situation de l'emploi s'est détendue et la pression à la hausse des salaires des informaticiens s'est atténuée. Pour l'instant aussi, pas de panique. Mais quand même de la vigilance...