Sauvegarde des palmiers de la Côte : un combat perdu d'avance ?
Aucun combat n'est perdu d'avance. Mais celui qui est mené pour lutter contre le CRP, le terrible "Charançon Rouge du Palmier" qui dévaste les arbres les plus emblématiques de la Côte d'Azur, semble mal engagé. Très mal. C'est en tout cas ce que conclut l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail), dans un rapport que lui avait demandé le ministère de l'Agriculture. Intitulé "Stratégies de lutte contre le charançon rouge du palmier", ce rapport a été rendu public hier, mercredi. L'Agence, en raison du nombre d'arbres et du degré d'infestation en l'espace de 10 ans, ne laisse en effet guère d'espoir pour les palmiers de la Côte d'Azur (le CRP est déjà responsable de la mort de près de 13.000 palmiers dans les Alpes-Maritimes et le Var).
Des moyens à mettre en oeuvre trop "colossaux"
Elle distingue deux zones : le "centre-atlantique" où "le contrôle strict du CRP en vue de son éradication doit toujours être d’actualité" ; la zone "méditerranéenne". Mais là, le pire est à craindre : "les moyens à mettre en œuvre pour éradiquer le CRP sont colossaux" et la seule option réaliste est d'organiser une retraite complète. En clair, commencer à oublier les palmiers et penser à "des espèces végétales de remplacement" (mais le rapport ne dit pas lesquelles). C'est une zone note l'Anses "dans laquelle il est quasiment impossible d’arriver à éradiquer le CRP". L’objectif réaliste le plus ambitieux serait aussi "de stabiliser la population de CRP et réduire son impact sur la mortalité des palmiers".
"Les expériences des autres pays touchés par le CRP en compartiment urbain, notamment dans les Iles Canaries et en Israël corroborent ces résultats", note l'Anses. "La progression du CRP dans la zone "méditerranéenne", continue malgré les efforts déployés par plusieurs collectivités territoriales et les services de l’Etat, est également un indicateur de l’impossibilité d’éradiquer le CRP du territoire national tout en contrôlant aussi longtemps que possible son aire d'extension géographique."
En conclusion, l'agence ne propose que deux alternatives pour la Côte et ses palmiers. La première : "stabiliser si possible la population de CRP en sachant que le coût sera élevé, et chercher à limiter son aire d’extension géographique". La seconde : "envisager de limiter la protection à certains palmiers notamment pour leur importance patrimoniale et de proposer des espèces végétales de remplacement pour les zones non protégées". Pas très réjouissant.
Injections, piégeages : les stratégies de luttes contre le Charançon Rouge
Le charançon rouge, gros scarabée en provenance d'Indonésie et du sud de l'Inde, s'installe dans le coeur des palmiers, prolifère et finit par les tuer. L'Anses a réalisé une évaluation multicritère pour hiérarchiser les différentes stratégies. Ainsi, lorsque le critère "coût" a été considéré comme le principal critère, les stratégies impliquant l’injection de benzoate d’émamectine combinée ou non au piégeage de masse sont ressorties comme étant les plus satisfaisantes. Lorsque le critère "innocuité pour l’environnement" a été privilégié c’est la combinaison des deux produits de lutte biologique associés au piégeage de masse qui est ressortie comme la meilleure.
La méthode "Attract-andKill" bien que n’étant pas encore (totalement) opérationnelle sur le terrain est ressortie de cette analyse comme étant potentiellement très intéressante ; des essais sur le terrain avec pour perspective une demande d’autorisation de mise sur le marché sont à envisager. Les collectivités locales azuréennes ont de leur côté engagé la lutte. Pour l'exemple, la CASA a procédé à l'automne à une distribution de 250 pièges à phréromones d'agrégation pour un déploiement chez les particuliers et les espaces publics. Grasse, qui a perdu les deux tiers de ses palmiers en quelques années, a souscrit à la plateforme "Palmiers 06" créée par l'association "Les Palmiers du Pays Vençois" pour un traitement par injection d'un liquide dans la sève des palmiers sains afin de les protéger.