Regard franco-américain sur l'éducation : l'adolescence, cet âge crucial pour l'apprentissage
Après s'être intéressés à la position des universités françaises dans les classements mondiaux, Sandrine et Maxime Crener, dans leur chronique hebdomadaire "Regard franco-américain sur l'éducation" ont focalisé sur "L'adolescence : l'âge de toutes les opportunités". Ils revisitent cette période à la lumière du travail de Laurence Steinberg, professeur de psychologie à l’Université de Temple qui a consacré toutes ses recherches aux adolescents
Maxime Crener a dirigé le Ceram à Sophia et développé l'Université Internationale de Monaco. Son épouse, Sandrine, est Research Associate à la Harvard Business School. Tous deux, installés depuis cinq ans à Boston, ont gardé un pied sur la Côte d'Azur. Ils sont aussi souvent appelés par des amis azuréens ou monégasques inquiets pour l'avenir de leurs enfants. D'où l'idée de cette rubrique hebdomadaire sur les problèmes actuels de l'éducation avec un point de vue posé des deux côtés de l'Atlantique.
"L’adolescence : l’âge de toutes les opportunités" par Sandrine et Maxime Crener
Parents d’un adolescent de 15 ans, c’est avec curiosité et intérêt que nous avons assisté il y a quelques semaines à une remarquable conférence de Laurence Steinberg sur son dernier livre « Age of Opportunity : Lessons from the New Science of Adolescence » (Houghton Mifflin Harcourt, Boston-New York, 2014). Professeur de psychologie à l’Université de Temple, Steinberg a consacré toutes ses recherches aux adolescents. Intégrant les nouvelles découvertes sur la plasticité du cerveau, ce livre va à l’encontre de nombreuses idées reçues et disons-le de suite devrait être lu par tous les parents et enseignants.
Une première observation est surprenante : la durée de l’adolescence a doublé en quelques décennies et s’étale désormais de 10 à 25 ans. D’où un premier conseil : ne vous en faites pas si votre enfant à 20 ans n’est pas encore un adulte, il lui faudra vraisemblablement encore plusieurs années pour acquérir plus de maturité. Impossible également de faire des comparaisons intergénérationnelles. A 25 ans les jeunes d’aujourd’hui ont deux fois plus de chances que leurs parents d’être toujours des étudiants. Ce rallongement de la durée des études implique également que les jeunes sont indépendants financièrement beaucoup plus tard que ne l’étaient leurs parents.
Cette longue période d’adolescence ne doit pas être considérée comme un passage difficile mais elle est par contre cruciale en termes d’apprentissage (académique, affectif, émotionnel ou social) car le cerveau de l’adolescent est plus malléable donc plus sensible et réceptif. C’est l’âge de toutes les découvertes, des sensations les plus fortes, des souvenirs les plus vivides. Mais l’adolescent, nous avertit Steinberg, est aussi le « conducteur d’une voiture sans frein » car deux parties capitales du cerveau n’ont pas encore appris à travailler ensemble et à s’autoréguler. Il s’agit d’une part du cortex préfrontal - partie du cerveau qui joue un rôle majeur dans notre capacité à planifier, résoudre des problèmes complexes, prendre des décisions, gérer des conflits ou contrôler notre humeur et comportement social ; et d’autre part du système limbique - partie qui joue un rôle important dans la gestion de nos émotions comme l'agressivité, la peur, ou le plaisir.
De par sa longueur l’adolescence ne peut plus être considérée comme un passage ou une phase qu’on se résigne a traverser avec plus ou moins de difficultés et pendant laquelle certains choisissent de se désinvestir pour éviter les conflits. C’est bien au contraire une période pendant laquelle les adultes, parents et enseignants, doivent redoubler d’attention et d’autorité.
Les chercheurs savent également maintenant que pendant cette phase le cerveau va être formé en partie par l’expérience d ou souvent les dangers qui guettent les jeunes qui sont plus vulnérables et qui adaptent à cet âge des pratiques à risques (alcool, drogues, sexe…). C’est l’âge de toutes les expérimentations mais aussi de tous les dangers. Steinberg préconise ainsi d’être vigilants aux circonstances émotionnelles et sociales qui peuvent diminuer le jugement critique du jeune. Il insiste et nous invite à mieux pratiquer la relation d’autorité parentale, d’être plus cordial, plus compréhensif mais également plus ferme vis à vis de l’adolescent.
Le constat scientifique est clair et les conséquences pour parents et enseignants sont importantes: dès lors rien n’est figé tout est opportunité et même si le parcours du jeune devient plus périlleux car plus long nous devons leur apprendre à mieux se protéger d’eux-mêmes. Nous sommes loin de la culture populaire ou l’adolescence était une simple période difficile et pleine de tracas pour les parents et les professeurs ainsi contrairement aux idées reçues Steinberg confirme que l’adolescence est une période exceptionnelle pour apprendre, progresser, prospérer et se développer.
Aux parents et pédagogues de se pencher non plus simplement sur les contenus mais surtout sur la manière d’enseigner ou d’éduquer : il faut développer un état d’esprit particulier (nous y reviendrons prochainement) qui démontre que le succès n’est pas seulement le résultat de l’intelligence mais surtout du travail sérieux et d’un environnement maitrise. Le livre, passionnant à lire, abonde d’exemples pratiques, de situations particulières, de pistes de travail et de recommandations que l’on peut facilement mettre à exécution. Ecouter ce professeur aux cheveux gris, (40 ans de recherches sur les adolescents !) vous donne une envie folle d’accompagner nos jeunes à mieux se réaliser !
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