Regard franco-américain sur l'éducation : comment augmenter le nombre de diplômés universitaires?
Comment aider les étudiants à mieux compléter leur scolarité de deux ans afin d’augmenter le nombre de diplômés universitaires dont le pays aura besoin? C'est une réflexion que Sandrine et Maxime Crener ont engagée sur les Etats-Unis dans leur chronique de cette semaine "Admissions et passerelles à l’Université". Mais c'est aussi une piste pour diminuer le chômage des jeunes en France.
Gagner la bataille de l'intelligence! C'est un impératif pour la plupart des pays. Dans leurs précédentes chroniques hebdomadaire "Regard franco-américain sur l'éducation", Sandrine et Maxime Crener s'étaient attachées à plusieurs aspects de cette question : "Que de temps et d'argent perdus!" porte sur les résultats des Etats-Unis et de la France dans leurs efforts pour faire monter leur taux de diplômés; "Le Common Core " sur la bataille pour l’amélioration du secondaire. Une idée forte chaque fois à la base : dans l’économie mondialisée de la connaissance, une formation universitaire n’est plus simplement un atout mais une obligation pour réussir. Ils reviennent aujourd'hui sur ce sujet.
"Admissions et passerelles à l’Université"
Les dernières statistiques sur les diplômés de l’enseignement secondaire aux Etats-Unis montrent un taux record de 81% selon le dernier rapport du National Center for Education Statistics. Cette bonne nouvelle est accueillie avec beaucoup de satisfaction par Arne Duncan, Secrétaire d’Etat à l’Education, qui voit dans ce record une étape vitale pour le développement économique du pays et de belles perspectives pour les Universités américaines. Malheureusement cet accomplissement au niveau secondaire ne se traduit pas au niveau de l’enseignement supérieur.
Les inscriptions au "College" (université) sont ainsi en baisse à 66% seulement pour la dernière cohorte d’âge, ce taux étant le plus bas depuis 2007. De surcroit, au niveau national, le taux moyen de diplomation à Bac +4 (Bachelor) n’est plus qu’à 49% ! Mais ce qui est intéressant à noter, ce sont les disparités géographiques qui ressortent lorsqu’une analyse plus fine est effectuée. On s'aperçoit que parmi les états ayant les taux de réussite les plus élevés au diplôme de fin d’études du secondaire figurent 4 états du Midwest : l’Iowa (90%), le Nebraska (88%), le North Dakota (88%) et le Texas (88%).
Par contre, si l’on regarde les taux de réussite au Bac+4, on ne retrouve parmi les dix premiers qu’un seul des états figurant dans la liste des bons lycées (l’Iowa). Les meilleurs taux de réussite à la licence (Bac+4) se trouvent dans les états du Nord Est ou en Californie : Rhode Island 69%, Massachusetts 69%, Connecticut 61%, Pennsylvanie 58% Californie 55%. En revanche, si l’on inverse le spectre, on trouve un peu plus de correspondance dans les résultats : les taux les plus bas au lycée et à l’université se trouvent dans les états du Sud et de l’Ouest.
Ce qui peut laisser présager un déplacement important, les meilleurs élèves du secondaire cherchant à suivre des études dans des états ou le système universitaire est meilleur et où les passerelles entre les divers cursus universitaires sont encouragées. Comme dans le système français les ponts existent pour passer du secondaire au supérieur, mais les différences sont notoires et les résultats également.
En France par exemple, près de 80% des étudiants IUT poursuivent des études après l’obtention de leur diplôme, un taux important comme d’ailleurs celui des BTS a moindre égard. Par contre les transferts du secondaire technique au supérieur sont en général très bas et dans certaines sections quasi nuls (Bac Pro).
Ceci, comme nous l’avions indiqué dans une précédente chronique, freine bien sûr le taux de diplomation universitaire d’une cohorte d’âge et accentue le retard pris par la France dans la nouvelle économie du savoir, tout en maintenant un taux de chômage très élevé (25%) pour la tranche des 18-24 ans.
Dans un rapport très récent de la National Student Clearinghouse Research Center (Mars 2015) il est noté que 46% des étudiants américains qui ont obtenu un diplôme de Bachelor (Bac+4) en 2013-2014 ont fait une partie de leur parcours académique dans une institution de type Bac+2, et 65% d’entre eux ont passé au moins 3 semestres dans des "community colleges" que le Président américain Obama veut rendre d’ailleurs totalement gratuits.
Dans le contexte actuel ces résultats sont encourageants car ils favorisent l’accès à l’université des étudiants de famille à bas revenu et des étudiants noirs qui sont surreprésentés dans les institutions à Bac+2. Cette étude montre aussi les différents cheminements pris par les étudiants pour compléter leurs études de Bac+4 et la souplesse du système : de nombreuses passerelles existent pour mener au bachelor puis au master.
Certes les parcours en termes de temps diffèrent selon les voies d’admission mais l’important au final demeure l’obtention du diplôme dans le laps de temps règlementaire (six ans). Certes la sélectivité de l’établissement universitaire est un facteur important dans la finalisation des études et les résultats sont probants à cet égard : les universités qui ne font pas de sélection à l’entrée (open admissions) ont un taux très bas de réussite (seulement 33% des étudiants obtiennent leur diplôme après 6 ans) par rapport aux universités sélectives (25% d’admis seulement) qui ont un taux de diplomation de 86% !
Néanmoins, ce qui est prometteur dans le transfert est qu’en général 62% des étudiants qui passent d’un établissement de 2 ans vers l’université obtiennent le diplôme au bout de six ans. Ce score passe à 72% pour ceux qui ont obtenu un diplôme formel d’études de niveau B+2. On sait par ailleurs que 50% de ces étudiants ont réussi leur B+4 en cinq ans. Sachant qu’il y a environ 7 millions d’étudiants inscrits dans les études à Bac+2, c’est à dire environ 38% de la population étudiante, il est vital pour le pays d’aller chercher dans ce vivier une partie des futurs diplômés du Bachelor.
C’est d’ailleurs dans ce groupe que se trouve une très grande proportion de noirs et de latinos, ainsi que des étudiants en provenance de familles à bas revenu et de première génération d’étudiant. Ces derniers résultats relancent le débat sur les politiques publiques concernant les "community colleges" : comment peut-on aider les étudiants à mieux compléter leur scolarité de deux ans afin d’augmenter le nombre de diplômés universitaires dont le pays aura besoin ? Une réflexion similaire serait nécessaire nous semble-t-il en France afin de réduire à terme le taux très élevé de chômage des jeunes.
Sandrine et Maxime Crener
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Sandrine et Maxime Crener : l'axe Boston-Côte d'AzurMaxime Crener a dirigé le Ceram à Sophia et développé l'Université Internationale de Monaco. Son épouse, Sandrine, est Research Associate à la Harvard Business School. Tous deux, installés depuis cinq ans à Boston, ont gardé un pied sur la Côte d'Azur. Ils sont aussi souvent appelés par des amis azuréens ou monégasques inquiets pour l'avenir de leurs enfants. D'où l'idée de cette rubrique hebdomadaire sur les problèmes actuels de l'éducation avec un point de vue posé des deux côtés de l'Atlantique. |