Réchauffement climatique : pour Nathalie Hilmi (GIEC), la nature fait partie des solutions
Auteur Principal du nouveau rapport du GIEC publié lundi, Nathalie Hilmi, Responsable de la section économie environnementale au centre scientifique de Monaco, porte un message d'espoir et d'urgence. Si le changement climatique est déjà pire que prévu, il y a encore des moyens d'agir et des solutions à mettre en place en s'appuyant notamment sur la nature. Mais il ne faut surtout pas attendre.
Il était attendu et redouté le nouveau rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). Intitulé "Changement climatique 2022 : impacts, adaptation et vulnérabilité" il a été publié lundi et dessine un nouvel état des lieux de la planète terre. Il montre en particulier que le changement climatique a déjà des impacts plus importants que prévu à des températures pourtant plus basses qu'anticipées. Sécheresses, vagues de chaleur, épisodes météorologiques extrêmes, montée des eaux des océans : autant de phénomènes liés à l'augmentation de la température qui sont déjà en train de bouleverser les écosystèmes et d’affecter la vie de milliards de personnes dans le monde. (Photo DR : Nathalie Hilmi)
Quels sont les éléments nouveaux qu'amène ce rapport ? Que devons, que pouvons-nous faire ? Eclairage avec le docteur Nathalie Hilmi. Responsable de la section économie environnementale au centre scientifique de Monaco, elle est "Auteur Principal" du sixième rapport d’évaluation du GIEC (AR6) qui vient de sortir.
"Le changement climatique tel qu'il est, représente une menace pour le bien-être humain mais aussi pour la santé de la planète"
Ce qui ressort de ce nouveau rapport ? "Toutes les études scientifiques, les milliers d'articles qui ont été analysés le confirment. Maintenant nous sommes sûrs et certains que le réchauffement climatique est d'ordre anthropogénique, c'est à dire qu'il est créé par les activités humaines. Autre confirmation sur laquelle nous sommes tous d'accord : le changement climatique tel qu'il est, représente une menace pour le bien-être humain mais aussi pour la santé de la planète. Ce rapport fait clairement le lien entre changement climatique et nature, perte de la biodiversité et menace du bien être humain.
Mais ce qu'il souligne et qui est intéressant, c'est que si la nature est menacée par ce changement climatique, en protégeant la nature, en la restaurant, elle peut aussi faire partie des solutions que nous pouvons encore mettre en place pour aller vers un futur qui soit quand même soutenable. C'est un troisième point. Il est important. Mais nous ne devons pas attendre. Plus nous attendrons et plus la palette d'actions se réduira."
"La nature peut faire partie de la solution. Je pense notamment aux arbres qui permettent de capturer et de séquestrer le CO 2."
"C'est vrai pour la montée des eaux des océans. C'est aussi vrai pour la perte de la biodiversité. Certaines espèces se sont déjà éteintes. D'autres formes de biodiversité sont particulièrement menacées comme les arbres, les récifs coraliens. Mais, comme je le disais, la nature peut faire partie de la solution. Je pense notamment aux arbres qui permettent de capturer et de séquestrer le CO 2. Au niveau de l'océan, certains endroits, comme les marais salants les herbiers marins et tout ce qui est phytoplancton en haute mer, permettent aussi de séquestrer et de de garder ce carbone dans les sédiments. Le pouvoir d'absorption et de séquestration des océans est énorme.
Que peut-on faire ? Le rapport montre que nous n'avons pas encore suffisamment fait et que nous n'avons pas atteint les objectifs qui avaient été fixés en termes de réduction de CO 2. L'objectif de l'accord de Paris visait à se tenir sous la barre d'une élévation de 1,5 degrés par rapport à la période préindustrielle. Or, nous avons déjà dépassé 1 degré. Pour se limiter aux 1,5 points, il faudra donc faire beaucoup d'efforts. Mais c'est là que la nature peut nous aider."
"Il s'agit par exemple de protéger les villes, de les rendre plus résilientes avec des constructions qui soient plus écologiques qui impliquent moins de dépenses d'énergie."
"Le rapport dit clairement qu'il faut transformer nos activités économiques, nos sociétés, notre façon de vivre. Individuellement, nous pouvons changer notre façon de consommer en mangeant un peu moins de viande, en arrêtant d'acheter des fraises qui viennent de l'autre bout de la planète. Le rapport parle aussi d'un développement qui soit durable, juste, équitable et résiliant face au changement climatique. C'est ce que nous devons mettre en place.
Il s'agit par exemple de protéger les villes, de les rendre plus résilientes avec des constructions qui soient plus écologiques qui impliquent moins de dépenses d'énergie. Des actions sont à engager pour la transition énergétique, pour des systèmes d'apport d'eau potable qui soient beaucoup plus résilients. Les entreprises ont commencé à s'engager et les jeunes générations sont particulièrement sensibles à ce message.
"L'inaction risque d'avoir un coût élevé. Si l'on ne fait rien, ce sera 300 milliards par an qu'il faudra investir en 2050"
Mais pour tout cela il faut une volonté politique ainsi que des financements. Pour les pays développés, il a été calculé qu'il faudrait investir 127 milliards par an au niveau mondial pour avoir une chance de contenir le réchauffement climatique d'ici 2030. Pour le moment, nous en sommes autour de 100 milliards par an. Mais l'inaction risque d'avoir un coût élevé. Si l'on ne fait rien, ce sera 300 milliards par an qu'il faudra investir en 2050.
Ce rapport du GIEC n'est cependant pas que négatif. Il dit aussi et surtout qu'il y a encore des moyens d'agir et des solutions à mettre en place. Mais si on ne les met pas en place directement et le plus rapidement possible, nous allons dans le mur. En cela le GIEC est un lanceur d'alerte. Nous sommes là pour avertir des dangers. Nous nous basons sur la science, sur tout ce qui a été publié et nous apportons des analyses, des avis d'experts. Aux gouvernements et à la société civile de prendre les décisions en conséquence."