Première mondiale à Nice : le cancer du poumon diagnostiqué des années avant d'être "visible"
Annoncée ce matin, la découverte de l'équipe du professeur Hofman du CHU de Nice et de l'Inserm fait le tour du monde. En réussissant à détecter les cellules "sentinelles" diffusées dans le sang depuis les premières étapes de formation des tumeurs, les chercheurs ont pu détecter chez des sujets à risque un cancer du poumon des années avant qu'il ne soit visible au scanner. Une avancée qualifiée d'exceptionnelle de la médecine prédictive, personnalisée et non invasive.
Réussir à détecter des cancers du poumon des années avant qu’ils ne soient visibles au scanner : c'est cette formidable avancée que vient d'annoncer l’équipe du Professeur Paul Hofman du Centre Hospitalier Universitaire de Nice et du Centre de Recherche Inserm de l'Université de Nice Sophia. L’étude, qui a été publiée dans la revue PLOS ONE, montre que, pour la première fois, il ont trouvé le moyen de détecter chez des patients à risque, des signes du cancer du poumon sous forme de cellules cancéreuses circulantes "sentinelle", plusieurs mois voire années avant que le cancer ne devienne détectable par scanner.
Inutile de préciser que cette alerte, présentée comme une" percée extraordinaire dans le domaine du diagnostic précoce des cancers pulmonaires invasifs", peut jouer un rôle clé dans la précocité de l’intervention chirurgicale, permettant ainsi de viser l’éradication du cancer. Il s’agirait ainsi d’un très grand pas franchi dans le domaine de la médecine moderne : prédictive, personnalisée, et non invasive.
Trouver le moyen de détecter les cellules "sentinelles" chez l'homme
Comment l'équipe niçoise est -elle arrivée à cette découverte ? Au départ, des études chez l’animal. Elles ont clairement montré que les tumeurs invasives diffusent dans le sang des cellules cancéreuses depuis les toutes premières étapes de leur formation, quand encore les tumeurs ne sont pas détectables par imagerie. La possibilité de détecter ces cellules "sentinelles" est considérée un atout majeur dans la course contre la montre visant la détection, et donc un traitement précoce du cancer. Toutefois, aucune étude n’avait encore été capable de démontrer, chez l’homme, une telle possibilité, pour des raisons techniques. En effet, les cellules cancéreuses circulantes sont extrêmement rares dans le sang, très hétérogènes et fragiles, et difficiles à extraire sans biais ni perte.
L’équipe du Laboratoire du Professeur Hofman (Dr M. Ilie, Dr V. Hofman, Dr E. long, Mr E. Selva), en étroite collaboration avec les équipes de Chirurgie Thoracique du CHU de Nice (Pr J. Mouroux, Pr N. Vénissac, D. Pop) et de Pneumologie du CHU de Nice (Pr CH. Marquette, Dr M. Poudenx) a pu réaliser cette étude. Pour cela, elle a utilisé un test de cytopathologie sanguine issu de la recherche française, appelé ISET (Isolation by SizE of Tumor cells) et développé par la compagnie Rarecells Diagnostics, spin off de l’INSERM, Université Paris Descartes et AP-HP. Ce test permet d'isoler du sang tout type de cellules tumorales sans perte et en les laissant intactes, ouvrant ainsi sur leur diagnostic cytopathologique.
La méthode testée avec succès sur un groupe de 245 sujets sans cancer
L’équipe du Pr Hofman a étudié un groupe de 245 sujets sans cancer, y compris 168 patients à risque de développer un cancer du poumon car atteints de Bronchopathie Chronique Obstructive (BPCO), testés chaque année par ISET et CT-scan à basse dose. Des cellules cancéreuses circulantes ont été identifiées par l’utilisation du test ISET par Paul Hofman et collaborateurs chez 5 patients (3%), alors que le CT-scan ne détectait aucun nodule au niveau pulmonaire.
Un nodule est devenu détectable, chez les 5 patients, de 1 à 4 ans après la détection des cellules cancéreuses circulantes par ISET. Les 5 patients ont été immédiatement opérés et l’analyse pathologique effectuée sur le nodule a confirmé le diagnostic de cancer du poumon. Le suivi d’un an minimum après chirurgie n’a montré aucun signe de récidive chez les 5 patients.
Le cancert du poumon parmi les plus meurtriers
Le cancer du poumon, faut-il le rappeler, est parmi les plus meurtriers. Selon l’American Cancer Society (ACS), la survie de ces patients à un an est de 44%. A 5 ans, ce taux descend dramatiquement à 16%. Seulement 15% de ces cancers sont actuellement diagnostiqués à un stade de maladie localisée. Selon l’Institut national de la santé américain, le cancer du poumon a coûté au système de santé $ 12,1 milliards en 2010.
On imagine donc l'ampleur des espoirs que porte la découverte niçoise. La détection précoce de ce type de cancers pourrait à la fois améliorer la survie et permettre, dans un autre registre, des économies dans les budgets santé. La BPCO est la 3e cause de décès aux US et sa cause principale est le tabagisme.
En avril dernier un article du prestigieux New York Times avait fait le point sur toutes les méthodes innovantes en oncologie prédictive et conclu qu’aucune méthode n’avait été capable de détecter le cancer avant les approches classiques d’imagerie. Un défi qui devrait être aujourd'hui remporté pour la première fois par l’action combinée gagnante de deux équipes françaises, celle de Rarecells Diagnostics qui a développé le test et celle du Professeur Paul Hofman qui a appliqué la méthode et réalisé cette étude.