Cette photo des journalistes mis à nu avait fait le tour de France au printemps 2010. Elle symbolisait la vente du siège de Nice-Matin que GHM avait envisagée pour renflouer les comptes de la maison-mère. Suite à plusieurs journées sans parution, aux actions menées, au soutien de la population, Philippe Hersant, Pdg de GHM avait rebroussé chemin. La situation risque cependant de redevenir difficile pour le quotidien azuréen, qui est l'une des pépites du pôle PQR de GHM.
Retour à la case départ pour le groupe Nice-Matin et La Provence, les quotidiens régionaux du Groupe Hersant Média. Après huit mois de négociations, le groupe belge Rossel a annoncé hier soir qu'il se retirait du projet de rapprochement avec GHM. Reprise tôt ce matin par La Voix du Nord, quotidien appartenant à Rossel qui est également l'éditeur du journal Le Soir en Belgique, cette annonce fait l'effet d'une "bombe". Elle laisse pour l'instant sans solution les quotidiens de GHM (sont également concernés des journaux de l'est de la France) qui sont confrontés aux difficultés de leur maison mère.
Cette dernière, notamment, n'a toujours réglé avec les banques un problème d'endettement de plus de 200 M€. La liquidation de la Comareg intervenue en novembre dernier, l'un de ses anciens "bijoux" avec à la clé 1.650 licenciements, a de quoi donner froid dans le dos. De même que la situation de Paris-Normandie, quotidien de GHM, menacé lui aussi de liquidation.
Un rapprochement à travers la création d'une coentreprise GHM-Rossel
Le plan du mariage avec Rossel visait à apporter une solution aux difficultés financières de GHM (27 journaux locaux, 6.000 salariés et 700 M€ de chiffre d'affaires). Initialement, il avait été envisagé de regrouper les activités des deux groupes GHM et Rossel dans la presse française régionale et de créer ainsi une coentreprise pilotée 50/50 par les deux groupes. Au fil des négociations et vu les besoins de financement de GHM, le poids de Rossel dans la nouvelle société a pris du volume. Il a été question de 80/20. Des négociations qui trainaient d'autant plus en longueur que les banques, invitées à s'asseoir sur environ 100 M€ de créances n'étaient pas pressées de conclure.
Les exigences du groupe Rossel
Dans un communiqué publié hier soir, le groupe Rossel a déclaré abandonner entièrement ce projet de rapprochement avec GHM. Il rejette la responsabilité de l'échec des négociations sur le "syndicat du livre" (la CGT-Filpac) de Nice Matin et du pôle Est de journaux. Le groupe Rossel, en effet, avant sa prise de contrôle, avait ses exigences. Il cherchait à ce que GHM fasse "le ménage". Pour le seul Nice-Matin avait circulé ainsi un plan visant à faire partir un salarié sur 3, soit quelque 200 suppressions de postes dans les 600 actuels, rédaction, imprimerie et administration confondues.
Le "syndicat du livre" ayant refusé de signer, Rossel a jeté le gant. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois qu'il casse ainsi une négociation en dernière ligne droite : en fin d'année dernière, Rossel avait renoncé au rapprochement pratiquement finalisé avec le groupe La Montagne en Centre France (220 M€ de CA en 2010), pour se consacrer au rapprochement plus conséquent avec GHM.
GHM va reprendre les négociations avec les banques
Rossel parti, que va-t-il se passer maintenant? Dans un communiqué, Dominique Bernard, directeur général de GHM, a accusé également le syndicat du livre d'avoir fait échouer la négociation. Il a déclaré vouloir maintenant reprendre les discussions avec les banques créancières pour "examiner les conséquences de l'abandon du projet avec Rossel". Une partie de plaisir ! Mais le climat aujourd'hui, avec une crise économique qui lamine les budgets publicitaires, ne s'est pas amélioré pour les quotidiens régionaux de GHM qui se doivent maintenant de rechercher de nouveaux actionnaires. Un dossier "média" qui risque de se révéler très chaud pour le nouveau gouvernement.
Dans cette nouvelle tourmente qui s'annonce, Nice-Matin, la "pépite" de GHM, aura au moins eu la chance d'avoir pu obtenir sa nouvelle arme : trois nouvelles rotatives (un investissement de l'ordre de 12 M€). Elles étaient attendues depuis des années et sont enfin entrées en fonction le 19 septembre dernier. Et dans un secteur de la presse de plus en plus incertain, ce qui est acquis...
Nice-Matin : salariés entre soulagement et inquiétudesA Nice Matin, les salariés ne savent pas s'ils doivent se réjouir ou non de ce renoncement de Rossel. D'une part bien sûr, ils jugeaient inacceptable ce que le groupe belge demandait. Il s'agissait non seulement de la suppression de 200 postes sur les 600 mais également la non reconduction des CDD, de la fin des RTT, de la fermeture des petites agences jugées non rentables (type Vence dans les AM ou Brignoles dans le Var) ou encore de la réduction de la pagination dans l'ensemble des éditions. En revanche, salariés comme syndicats restent très inquiets quant à l'évolution de la situation. Ils savent le groupe Hersant financièrement à l'agonie et craignent une vente "à la découpe", c’est-à-dire par morceaux, Var-Matin d'un côté, Nice-Matin de l'autre, Corse-Matin ailleurs, La Provence, etc. Lors d'un récent Comité d'Entreprise, une question posée à partir d'une folle rumeur témoigne du climat d'incertitude qui s'est ouvert : est-ce que Stéphane Cherki va racheter Nice-Matin ? Le maire d'Eze, candidat malheureux aux dernières législatives est aussi l'ex-propriétaire des hebdomadaires Le Petit Niçois et Le Petit Cannois. La question a fait rire Frédéric Touraille, le directeur général délégué de Nice Matin. Mais elle en dit long sur le désarroi. |
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