Nice : le phénomène nouveau du "terrorisme en libre accès"
Suite à l'agression au couteau de trois militaires en faction à Nice devant le consistoire israélite, Manuel Valls monte le plan Vigipirate à "Alerte attentat" dans les Alpes-Maritimes, le même niveau maximum qu'à Paris depuis la tuerie de Charlie Hebdo. Ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve parle d'un phénomène nouveau à combattre : le "terrorisme en libre accès". A lire également la réaction de David Lisnard, maire de Cannes : "Renforts militaires : et après ?"
"Nous sommes face à un phénomène nouveau, le terrorisme en libre-accès", avait relevé Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur, venu à Nice dès mardi soir après l'agression au couteau dans l'après-midi de trois militaires en faction sous les arcades de la Place Masséna, devant l’immeuble abritant le consistoire israélite de Nice. Et d'ajouter que "cela implique la mobilisation de moyens exceptionnels". C'est ce qu'a rappelé également hier le Premier ministre, Manuel Valls, en déclarant "le risque terroriste est bien là, il peut survenir à tout moment, à tout point du territoire". D'où la décision prise de monter le plan Vigipirate en "Alerte attentat" dans les Alpes-Maritimes, le plus haut degré de mobilisation, à l'instar de ce qui a été fait à Paris après la tuerie de Charlie Hebdo.
On comprend qu'après ces tragiques attaques terroristes de janvier dans la capitale et la réponse massive des "Je suis Charlie", cette nouvelle agression ait eu un impact médiatique très fort et instantané. Non seulement dans les médias français. Mais dans ceux du monde entier. L'affaire est donc suivie de très près. Voici ce qui ressort.
Le plan Vigipirate passe au niveau "Alerte attentat". Le plan Vigipirate qui devait être assoupli à Nice est au contraire renforcé et porté au maximum comme à Paris. A Nice, quelque 300 militaires sont chargés de la protection d'une trentaine de sites dont celui qui abrite les institutions israélites. Sur tous les lieux qualifiés de "sensibles", les mesures de sécurité seront accrues, tandis que les sorties scolaires seront encadrées. Ce passage à l'alerte maximum, le député-maire Christian Estrosi l'a apprécié. Au lendemain des attentats de Charlie Hebdo, il avait déjà demandé de faire passer le plan Vigipirate au niveau alerte attentat. Sans oublier que le Carnaval de Nice, grand rassemblement populaire, va commencer le 13 février, soit vendredi prochain et qu'en l'état des choses, vu les risques de "mimétisme", et une menace qui avait déjà plané l'an dernier, il est nécessaire de renforcer sérieusement la protection de la manifestation.
Moussa Coulibaly, l'agresseur. S'il porte le même nom que le sinistre assassin de la policière municipale de Montrouge et de quatre clients de l'Hyper Cacher de la porte de Vincennes à Paris, il n'aurait aucun lien de parenté avec lui, le nom de Coulibaly étant très répandu au Mali. Avait-il décidé sciemment de s'attaquer aux institutions israélites de Nice ? La question n'est pas tranchée à l'heure actuelle. Interpellé immédiatement grâce à la réaction mesurée des militaires agressés (ils n'ont pas fait usage de leurs armes) et à l'intervention de la police municipale, Moussa Coulibaly, 30 ans, français d'origine malienne, a cependant commencé hier à parler. Mais il aurait surtout affiché lors de sa garde à vue sa haine de la France, de la police, des militaires et des juifs.
Il devrait être transféré cet après-midi à Paris dans le cadre d'une garde-à-vue qui peut se prolonger sur 96 heures (4 jours complets). Apparemment ce serait un "loup solitaire" avec un parcours de dérive islamique passant de la petite délinquance à la radicalisation avec la tentation du djiad marquée par un voyage à Istanbul suivi du refoulement immédiat par les autorités turques alertées par la DGSI française. Si fort heureusement les trois militaires n'ont été que légèrement blessés, les caméras de vidéosurveillance n'en font pas moins état de la violence de l'agression.
Les trois militaires agressés. Deux d'entre eux ont été légèrement blessés (l'un aux bras, l'autre au visage). Tous les trois ont reçu hier des mains d'Adolphe Coltrat, préfet des Alpes-Maritimes, la médaille d'honneur pour acte de courage et de dévouement. De son côté, Christian Estrosi, député-maire, leur a remis la médaille de la ville de Nice (photo ci-dessus) pour marquer la reconnaissance des Niçois à leur action.
David Lisnard, maire de Cannes : "Renforts militaires : et après ?"Dans un communiqué, David Lisnard, maire de Cannes, plaide pour la mixité armée-police(s) sur les points fixes de surveillance et dans les patrouilles mobiles. Pragmatique, il pose aussi la question de "l'après". Quelles solutions pour affronter dans le temps cette menace terroriste? Voici son texte. "Cette révoltante agression des militaires, hier à Nice, hélas ne me surprend pas. Face à la menace, il faut être pragmatique et je plaide depuis des semaines, dès le premier jour de l'arrivée - très bienvenue - des soldats sur la commune de Cannes, pour la mixité armée-police(s) sur les points fixes de surveillance et dans les patrouilles mobiles. Cela permettrait de mieux répondre à la diversité des situations. Une telle mixité nécessite une évolution de la doctrine du Ministère de l'Intérieur et surtout de celle du Ministère de la Défense sur les conditions des missions militaires de sécurisation urbaine, une adaptation des protocoles, et une extension géographique de la présence en ville des soldats, pour ne pas démunir les polices qui complèteraient les actuels dispositifs militaires. Puis va se poser la question de "l'après". En effet, on peut supposer que le Gouvernement ne maintiendra pas, malheureusement car la menace est durable, pour des raisons budgétaires qui ne seront pas avouées, la présence de l'armée dans nos rues sauf en cas de nouveaux événements tragiques, ce que personne n’espère. Dès lors, quelle solution efficace l'Etat régalien proposera-t-il pour affronter dans le temps et sur le terrain cette menace terroriste, protéger les sites exposés, veiller à la bonne sécurité des biens et des personnes ? Outre ma demande d'étendre le champ légal du matériel de protection et d'armement des policiers municipaux, ce sont ces questions que je pose et adresse à mes interlocuteurs gouvernementaux, en précisant bien sûr qu'il n'est pas question que les communes assument une fois de plus la charge financière d'une mission d'Etat". |