Net-économie : Neurocom en règlement judiciaire
Lancé par un Niçois et très implanté sur la Côte d'Azur, le numéro 3 français de la sécurité sur Internet a déposé son bilan fin mars, victime du retournement de conjoncture et d'une stratégie d'édition de logiciels.
La nouvelle s'est répandue à Sophia Antipolis: la SSII Neurocom, numéro 3 français de la sécurité sur Internet, a récemment déposé son bilan auprès du Tribunal de commerce de Nanterre. Fondée en 1991 par le Niçois Olivier Erena, Neurocom est fortement implantée sur la Côte d'Azur. Sur 210 personnes (pour un chiffre d'affaires de 20 millions d'euros en 2000), une cinquantaine travaillent dans la technopole où la société, auparavant installée à Nice, a déménagé voilà quelque mois dans les locaux laissés vacants par NicOx. La nouvelle de cette mise en règlement judiciaire d'une des majors françaises de la sécurité sur le Net a d'autant plus étonné que la société est reconnue pour son savoir-faire, sa renommée et la qualité de ses prestations.Une baisse "mécanique" du marché de la sécuritéQuelques explications donc. D'abord, pour Marc Brua, directeur de l'agence azuréenne, règlement judiciaire ne veut pas dire liquidation et disparition de la société. "La société, qui continue à travailler normalement, est pratiquement assurée d'une reprise," explique-t-il. "Un administrateur judiciaire a été nommé et recevra les propositions de reprise avant le 26 avril. Quatre à cinq candidats se sont déjà déclarés et d'autres dossiers de candidatures sont encore attendus. Il s'agira de retenir le projet le plus viable. Aux alentours du 15 mai, nous devrions connaître le nom du repreneur."Comment en être arrivé au dépôt de bilan ? En cause, deux éléments : le ralentissement économique particulièrement accentué sur le marché de l'internet d'une part; une stratégie de développement et de distribution de produits qui s'est révélée particulièrement coûteuse d'autre part.L'effet conjoncture est facile à comprendre. Les grands comptes pour lesquels travaillent Neurocom ont réduit leurs investissements sur le Net et font moins de sites Web. Ce qui, du même coup fait baisser mécaniquement les besoins de sécurité. Neurocom avait grandi très vite dans la vague des années 1999-2000. Elle s'est trouvée alors avec des effectifs trop nombreux pour la charge de travail. Permier facteur de pertes financières. A cela vient s'ajouter le fait que le marché de la sécurité est aujourd'hui beaucoup plus concurrentiel que dans la seconde moitié des années 90. D'où des marges moins importantes.Le poids de la filiale NetsecureLe second facteur de pertes a été le lancement d'une activité de création et de distribution de produits à travers la filiale Netsecure (une trentaine de personnes entre Montreal et Paris) créée en 1998. L'activité produits s'est révélée être un autre métier, différent du métier de service qui était au départ celui de la société. Même si la vente des produits Netsecure (logiciels de sécurité pour le monde Internet) a été un succès, elle a été assortie d'un effort de commercialisation trop important en regard des revenus encaissés. Il a fallu s'implanter à l'étranger (un bureau à Montréal et à Tunis, ainsi que des représentations commerciales ouvertes à Madrid, Milan et La Haye) et surtout engager de très coûteuses dépenses de marketing. Total : la filiale perdait plus de 15 millions de francs par an.A la fin des années 90, cette accélération de Neurocom semblait cohérente dans la perspective d'une entrée en bourse. Début 2001, le climat avait bien changé. Plus question de faire appel au marché boursier. Des solutions ont aussi été recherchées pour supporter le gros trou d'air du dernier semestre 2001 et de l'année 2002. Neurocom a notamment pensé à s'adosser à un gros partenaire industriel. Des négociations ont été menées avec Thales. Mais elles n'ont pas abouti. D'où ce dépôt de bilan qui devrait certes conduire à une reprise de la société mais avec des conséquences sur l'emploi qui pourraient être lourdes.Un printemps difficile pour les SSIICe qui arrive aujourd'hui à Neurocom, l'un des premiers de la classe, est d'ailleurs révélateur des difficultés auxquelles sont confrontées depuis quelques mois les SSII (Société de services d'ingenierie informatique). En tant que sous-traitant des grands comptes, ces sociétés jouent le rôle d'amortisseur lors des crises ou des ralentissements. Sur la technopole de Sophia, où l'on compte près d'une centaine de SSII (dont une vingtaine de bonne taille), pratiquement tous les grands donneurs d'ordres (les Lucent, Nortel, Amadeus, Alcatel Space, IBM, etc) ont donné un gros coup de frein. Aussi, pour les SSII tributaires de l'activité de leurs gros clients, le printemps 2002 risque-t-il de ne pas être particulièrement clément.