Voici l'avis d'expert de Gérald Seiler. La gestion de la recharge des véhicules électriques est un sujet central dans la transition énergétique. En effet, la puissance disponible dans les bâtiments tertiaires et/ou l’habitat collectif par exemple, ne sera plus suffisante en l’état, pour pouvoir charger les 17 millions de véhicules électriques attendus sur les routes d’ici à 2035. Cela représente environ la moitié des véhicules en circulation à l’heure actuelle. (Photo DR : Gérald Seiler).
À titre d’exemple, la consommation annuelle moyenne par habitant en France est d’environ 2,5 MWh (Source Data.gouv.fr), ce qui représente l’équivalent d’une recharge complète d’une berline électrique, soit autour de 350 km par semaine. Sachant que le kilométrage moyen d’un Français en véhicule électrique est d’environ 300 km par semaine (source Enedis), par déduction la consommation électrique individuelle va doubler. Ainsi, le réseau électrique de la production à la distribution, devra s’adapter.
Concernant la sécurité d’approvisionnement, RTE estime que la consommation d’énergie liée au développement du véhicule électrique ne devrait pas excéder 48 TWh, soit environ 10 % de la consommation française en 2035, sous réserve d’y apporter des solutions de pilotage.
Une flexibilité dans la gestion de l’énergie électrique
Le pilotage est une condition qui paraît simple en théorie, mais elle pose beaucoup de prérequis techniques, réglementaires et humains pour y parvenir.
Dans les faits, elle suppose que l’outil de production, transport et distribution devra être flexible via l’utilisation de sources d’énergies électrique pilotables en complément des sources d’énergies dites "intermittentes", qui devront être soit stockées ou soit consommées au bon moment (flexibilité de la demande, ou effacement).
En effet, la part des énergies renouvelables étant en forte croissance, le challenge sera de pouvoir faire coïncider l’offre et la demande de manière générale, et en particulier pour la charge liée aux véhicules électriques. Dans la flexibilité de l’énergie électrique avec pilotage statique ou dynamique, on retrouve sur le graphique ci-dessous, la présence du chauffage, de la production d’hydrogène mais aussi et surtout la mobilité électrique.
Paradoxalement, le véhicule électrique est à la fois une partie du problème mais également une partie de la solution. Le problème, car il demandera 10% de production d’électricité en plus d’ici à 2035, et la solution, car il participera à la stabilisation du réseau électrique grâce au stockage inhérent qu’offrent les véhicules électriques. En effet, le stockage d’une voiture électrique est équivalent en moyenne à une semaine de consommation électrique par habitant, ce qui offrirait un levier significatif de flexibilité.
Faire communiquer ensemble le réseau, les bornes de recharge et les VE
La solution passera sans aucun doute par la numérisation de toute la chaîne énergétique électrique (data), qui reste l’un des derniers secteurs de l’industrie qui n’a pas été complètement transformé au monde du numérique. Un premier effort a été initié en 2007 par Enedis (ex ERDF) avec le remplacement des 36 millions de compteurs analogiques vers les compteurs communiquant Linky d’Enedis, réalisé à 90% aujourd’hui.
Mais Linky n’est qu’un seul maillon de la chaîne énergétique dans la mobilité électrique. Il faut ensuite pouvoir faire communiquer ensemble le réseau, les bornes de recharges, jusqu’aux véhicules électriques sur le parking et/ou le garage. Le prérequis pour réaliser cette transmission d’information est que la borne de recharge soit connectée et pilotable à distance, il faut également une prise d’information côté véhicule : identité numérique, pourcentage de la batterie, taille de la batterie, etc.
Un pilotage fin pour une optimisation multicritères
Différentes solutions de logiciels de pilotage existent (une centaine en Europe), tout comme celle de ChargeAngels qui pilote la recharge de façon statique ou dynamique, pour n’importe quel véhicule électrique : vélo, moto, véhicule personnel, véhicule utilitaire, bus et camions en passant par la borne de recharge. Ce pilotage à la minute permet de faire varier de façon très fine la puissance de recharge de 0 à 350 kW, en fonction de la puissance de la borne, sur plusieurs critères :
- La puissance maximale de l’abonnement « Tarif Jaune, bleu ou vert »
- La puissance consommée du bâtiment
- La puissance éventuellement produite par du photovoltaïque ou de l’éolien
- Et de manière optionnelle, un stockage batterie stationnaire.
Le logiciel opère un algorithme de recharge intelligent qui prend également en compte :
- Le niveau de charge et d’usure de la batterie
- L’heure de départ de l’électromobiliste
- Le prix de l’électricité (plan tarifaire) fixe, ou variable au cours de la journée
- L’équilibrage des phases
- L’état du réseau avec le signal Ecowatt.
Le dimensionnement de l’abonnement des TRV (Tarifs Réglementés de Vente) d’Enedis est très important dans le calcul de l’infrastructure de recharge. En effet, dans certains cas seulement 1/3 de la facture énergétique, représente l’électricité brute consommée. Si l’abonnement est surdimensionné, le coût d’exploitation sera trop élevé et l’infrastructure non rentable. Sans pilotage le calcul est très simple : puissance de l’abonnement = puissance d’un point de charge multiplié par le nombre de points de charge. Exemple : 22 kW x 10 bornes = 220 kVA -> l’abonnement « Tarif Jaune » sera nécessaire. Ou encore : 50 kW x 10 bornes = 500 kVA -> l’abonnement « Tarif Vert » sera nécessaire et l’achat d’un transformateur coûteux pour les professionnels.
L’innovation au rendez-vous
Le pilotage logiciel (SmartCharging) permet justement d’ajuster de manière très précise le calcul de l’abonnement utile, permettant de pouvoir faire une économie importante sur l’infrastructure. En effet, sans pilotage de la charge, on observe de manière quotidienne (principalement le matin, le midi et le soir) un pic de consommation qui correspond au branchement simultané des véhicules électriques.
Avec pilotage, l’algorithme permet de couper les pics de courant, soit en répartissant de manière égale, la puissance sur tous les véhicules connectés, soit avec des priorités en fonction de l’heure de départ. Exemple : une charge de 2 kW suffira à un véhicule stationné en journée ou la nuit, alors qu’un véhicule en itinérance nécessitera l’appel d’une puissance maximale. Dans tous les cas, le pilotage permet le dimensionnement minimal de son infrastructure de recharge afin de faire baisser les coûts de l’abonnement de la puissance souscrite.
Gérald Seiler