Les théâtres de la peinture de Jörg Immendorff à la Fondation Maeght
Jusqu’au 14 juin, la Fondation Maeght propose une exposition intitulée « Jörg Immendorff – Les théâtres de la peinture ». Réalisée à partir des œuvres d’un seul collectionneur, le galeriste allemand Michael Werner, cette exposition retrace le parcours de l’un des peintres allemands les plus importants de la seconde moitié du 20ème siècle, mais dont les œuvres ont rarement été montrées en France.
Comme elle le fait régulièrement, la Fondation Maeght met actuellement en lumière les œuvres d’un collectionneur, le galeriste allemand Michael Werner. Mais la particularité de l’exposition présentée jusqu’au 14 juin, c’est que les œuvres choisies parmi cette collection ne concernent qu’un seul artiste, Jörg Immendorff. Un peintre expressionniste allemand, né en 1945 et décédé en 2007, pour lequel Michael Werner s’est pris d’une passion extrême au point d’accumuler 700 toiles retraçant la totalité de son parcours et révélant la puissance, puis la subtilité de son œuvre.
La Fondation Maeght a choisi de présenter une cinquantaine de peintures, ainsi qu’une quinzaine de sculptures, qui témoignent de la puissance picturale de Jörg Immendorff, mais aussi de l’intensité de son engagement.
Rencontre avec Olivier Kaeppelin, le Directeur de la Fondation Maeght, pour évoquer l’intérêt de cette exposition, mais aussi l’incroyable parcours de Jörg Immendorff qui s’est totalement inscrit dans son époque tout au long de sa vie.
Un artiste en phase avec son époque
Pour Immendorff, l’art est éminemment politique et, tout au long de sa vie, son œuvre sera le reflet de son époque et particulièrement en phase avec l’histoire de l’Allemagne. A ses débuts, ses toiles seront marquées par sa contestation de la société et les revendications sociales, avec notamment le détournement d’affiches d’ordre politique comme dans « Allons chez l’artiste ». Dans sa seconde période, il aura une manière toute particulière d’illustrer la guerre froide dont l’une des conséquences fût la coupure de l’Allemagne en deux. Dans de nombreuses œuvres, il prendra à la lettre cette idée du froid en inventant une épopée dans laquelle un peintre et d’autres se retrouvent, à l’intérieur d’une exploration du grand froid, pris dans des glaces. Ainsi, son atelier ou les cafés dans lesquels il parle, sont comme encapsulés dans des icebergs.
Immendorff au cœur de son œuvre
Une autre caractéristique majeure de l’œuvre d’Immendorff réside dans la place centrale que le peintre occupe dans ses tableaux. Il se met constamment en scène en créant des « théâtres de peintures » au sein desquels son personnage change constamment de rôle, passant de celui d’un militant idéologique à celui d’un explorateur dans la glace, puis à un acteur de bacchanales ou encore un amoureux transi d’œuvres d’art qui comptent pour lui. A partir de lui-même et de son histoire, il se travestit et devient autant de héros de ses théâtres.
Un Raphaël sans les mains
A la fin de sa vie, atteint par la maladie de Charcot, Jörg Immendorff se retrouva paralysé. Malgré ce terrible handicap, il ne renonça jamais à peindre même si, par la force des choses, son œuvre prendra une tournure bien différente. Devenu « un Raphaël sans les mains », selon l’expression de l’historien d’art Peter-Klaus Schuster, il continua son œuvre en projetant sur la toile la peinture qu’il a créée mentalement dans sa tête, dans son imaginaire. Avec l’aide d’une dizaine d’assistants qui se relaieront autour de lui, il réalisera des collages en se servant d’images de l’histoire de l’art comme d’images d’actualité. Loin de se contenter de ce travail, il demandera ensuite à ce que ces collages soient peints jusqu’à ce qu’il soit content de cette projection partant de son cerveau jusqu’à la toile.
L’exposition fait la part belle à cette partie assez extraordinaire de son œuvre dans laquelle il est en même temps le peintre qui conçoit son tableau, mais aussi le critique de son image. Ces peintures parfois mélancoliques, pleines de rêves et d’instabilité, sont souvent d’une grande beauté et traduisent bien l’histoire fascinante d’un artiste qui, même paralysé, n’aura jamais cessé d’envoyer des images au monde.
Légende photos (de haut en bas) :
- Jörg Immendorff – Dans Café de Flore avec Max, Otto, Ernst (détail) 1987 © Collection privée
- Jörg Immendorff – So … Besuch bei einem Künstler (détail) 1976 © Courtesy of Galerie Michael Werner Märkish Wilmersdorf Cologne & New York
- Jörg Immendorff – Café Deutchland XVI - Schole (détail) 1982 © Courtesy of Galerie Michael Werner Märkish Wilmersdorf Cologne & New York
- Jörg Immendorff – Bild mit Geduld (détail) 1992 © Collection privée
- Jörg Immendorff – Café Deutchland III (détail) 1978 © Courtesy of Galerie Michael Werner Märkish Wilmersdorf Cologne & New York
- Jörg Immendorff – Sans titre (détail) 2006 © Courtesy of Galerie Michael Werner Märkish Wilmersdorf Cologne & New York
- Jörg Immendorff – Sans titre (détail) 2006 © Courtesy of Galerie Michael Werner Märkish Wilmersdorf Cologne & New York