Le nouveau boom de Monaco
Avec un chiffre d'affaires de 44,3 milliards de francs, en hausse de 9% par rapport à 1997, la Principauté, qui a engagé pour 5 milliards de francs de travaux d'équipements, n'a jamais été aussi florissante.
Force est de remarquer que c'est une affaire qui marche. Souvent brocardé comme 'Principauté d'opérette', Monaco tient le choc. Au-delà même de simplement résister, le 'rocher d'or' va de l'avant. Le bilan de santé 1998, apparaît en ce sens presque insolent : à 44,3 milliards de francs, le chiffre d'affaires de la Principauté a progressé de 9% par rapport à 1997.Et tout indique que ce rythme peut être soutenu. Le plus petit des Etats membres de l'ONU (deux cents hectares, soit moins qu'un arrondissement de Paris, pour 30.000 habitants dont 5.500 Monégasques) n'a pas de dettes. Sur ses ressources propres, il continue de préparer l'avenir en investissant chaque année plus d'1, 5 milliards de francs dans un ambitieux programme de grands travaux d'équipements. Tandis que son économie s'oriente résolument vers les secteurs les plus porteurs : à côté du tourisme haut de gamme, qui se développe encore, sont montés en puissance les services financiers, les biotechnologies, et plus récemment, les nouvelles technologies de l'information et de la communication.On comprend que Monaco ait à la fois de quoi faire rêver et agacer une Europe en proie aux restructurations.Plus d'emplois que d'habitants !'A Monaco, tous les ratios sont hors norme's'exclame Michel Lafon, ancien délégué général de France Telecom à Sophia-Antipolis et administrateur délégué de Monaco Telecom (600 millions de francs de C.A.). 'On y trouve plus d'emplois (32.600) que d'habitants (30.000). Le budget de l'Etat (près de 4 milliards de francs) est juste en dessous de celui de la ville de Nice qui compte plus de 400.000 habitants. Monaco est aussi le plus gros investisseur de la Côte d'Azur.' 'Dans les télécommunications,ajoute Michel Lafon, la Principauté accumule les records du monde : le pays où le nombre de lignes par habitant est le plus grand (autant de lignes que d'habitants), où la facturation par ligne est la plus élevée, où le chiffre d'affaires des télécoms, rapporté par agent, est le plus gros (3,5 millions de C.A.).'On pourrait ajouter au tableau, le montant des dépôts dans les 70 banques et établissements financiers : 225 milliards de francs, plus que sur l'ensemble de la Côte d'Azur. Ou encore les prix de l'immobilier. Avec un mètre carré qui caracole le plus souvent au-dessus des 100.000F, le studio atteint les 3 à 4 millions de francs et le 4 pièces tant soit peu spacieux, culmine au-delà des 10 millions.Banques et télécommunicationsSi au début des années 90, à l'unisson de la Côte d'Azur, la Principauté avait pu connaître un léger ralentissement, depuis trois ou quatre ans, tout est reparti très vite. Le bilan économique de 1998 en témoigne. Mais, au-delà de l'augmentation de 9% du chiffre d'affaires réalisé par 3.738 sociétés de la Principauté, ce que les observateurs retiennent c'est ce qui tire cette croissance.En 1998, ainsi, les secteurs qui ont poussé le plus sont les télécommunications (+50%), les banques (+29%), l'immobilier (+22%), les spectacles et l'audiovisuel (+8%), l'hôtellerie et la restauration (+8%). 'Le plus porteur, c'est le secteur des services et des télécommunications,note Michel Lévêque, le Ministre d'Etat. Un nombre considérable de petites sociétés informatiques et para informatiques se sont créées. Tandis qu'avec la privatisation de Monaco Télécom, nous espérons nous développer dans le téléphone mobile, les centres d'appel, les plates-formes multimédia, le hubbing international, les cartes prépayées, etc.' 'En dehors de cela, le secteur bancaire et financier progresse vite. Ce qui est dû à la technicité des banques installées à Monaco et qui travaillent plus particulièrement dans le 'private banking' (gestion de patrimoine). Sans oublier l'industrie classique, le commerce international de gros (import-export), le tourisme'.Une dimension économique méconnueDans un livre blanc intitulé 'Mythes et réalités', le Prince Rainier, ulcéré par cette image de 'ville de jeux, de centre de vie frivole, de Principauté d'opérette'qui continue d'être véhiculée, insiste sur ce nouveau visage de l'économie monégasque. 'Alors que les jeux ont représenté, jusqu'à la seconde guerre mondiale, la part essentielle des ressources de l'Etat, ils n'en constituent plus aujourd'hui qu'environ 4%',rappelle-t-il.Et d'énumérer ce qui fait de Monaco à la fois un 'centre économique dynamique', un 'lieu de concentration d'un potentiel humain et technique productif' et un 'espace de création à forte valeur ajoutée'. Des données sur lesquelles la Principauté n'a finalement que très peu communiqué, mais qu'elle cherche aujourd'hui à mettre en valeur. A l'unisson d'ailleurs des socioprofessionnels qui se sont regroupé dans un club de développement économique pour faire 'connaître Monaco dans toutes ses dimensions'.Cinq milliards de francs de travaux !Cette dimension économique, quelque 5 milliards de francs de grands travaux engagés, devraient encore la renforcer. L'enterrement de la ligne de chemin de fer et l'ouverture, en décembre dernier de la gare souterraine (1,55 milliards de francs) permettront de récupérer 4,5 hectares de voies délaissées et de bâtir 125.000 m2 de plancher pour des logements sociaux, des écoles, des espaces industriels. La construction du Grimaldi Forum, le nouveau palais des congrès, dont une partie se trouve sous l'eau (1,6 milliards de francs pour une ouverture en 2000) apportera des espaces supplémentaires pour congrès et manifestations culturelles, avec entre autres trois salles de 2.000, 900 et 700 places.Le projet de jetée semi-flottante, en avant du port Hercule (1,3 milliards de francs) portera la capacité des bassins de 450 à 1.000 bateaux de plaisance et autorisera les escales de petits bateaux de croisière. Autant de chantiers qui sont rendus particulièrement coûteux par deux contraintes : la volonté affirmée par le Prince Rainier, surnommé le Prince bâtisseur, de maintenir un style de vie, un environnement, une architecture hors pair ; le manque d'espace, éternel problème de la Principauté.Ce dernier point explique le parti pris de la nouvelle digue dont la mise en place devrait commencer cette année : la jetée, de 350 m de long sur 28 de large, sera creuse et abritera un parking de 400 places, une gare maritime, des entrepôts et des bureaux. Le tout amarré par deux séries d'ancres accrochées à une soixantaine de mètres de profondeur. Les technologies off shore au service du désenclavement !Monaco, qui compte encore construire un nouvel hôtel de luxe de 400 chambres, rénover entièrement l'hôpital Princesse de Grace, améliorer ses voies de circulation, lancer de nouvelles crèches, écoles, n'en aura pas fini pour autant d'investir. Ni de se battre pour préserver, dans l'océan de la mondialisation, des particularismes qui jusqu'à présent lui ont si bien réussi.