La bataille du CICA est engagée
Alors que les start-up s'inquiètent du court délai (dix jours) pour le passage de relais, deux des trois candidats évincés ont décidé d'attaquer en justice les modalités de l'appel d'offres.
La fabuleuse machine à créer des start-up qu'est le CICA va-t-elle se gripper ? Alors qu'il a volé de succès en succès, que neuf de ses entreprises ont été reçues à l'Elysée, qu'il a permis aux Alpes-Maritimes de recevoir le trophée européen des régions innovantes (une situation à mettre au crédit de l'actuel gestionnaire, Alain André qui pilote C.I.Com organisation), le Centre international de communication avancée est confronté à un passage de relais qui s'annonce très conflictuel.D'abord, le nouveau gestionnaire du CICA, la société Carillion Services, sortie de l'appel d'offres lancé par le Conseil général (voir l'article 'CICA de Sophia : les jeux seraient faits'), n'a que dix jours pour organiser techniquement une reprise prévue pour le 1er décembre 2000. Mais ensuite les modalités de l'appel d'offres sont contestées par au moins deux des trois autres groupes qui avaient postulé (C.I.Com organisation et Immodef, filiale de la Caisse des dépôts et consignations).L'inquiétude des start-upDans un cadre aussi conflictuel et presque émotionnel, le premier contact, vendredi 17 novembre, entre les représentants du nouveau gestionnaire désigné et les start-up du CICA (une soixantaine d'entreprises) ne pouvait être que tendu. Pascal Nicoletti, membre du Directoire de Carillion services, comme Jean-Marc Roscigni, directeur général adjoint au Conseil général, ont bien affirmé que tout serait fait pour assurer une continuité de services. Mais les entreprises n'en sont pas moins restées inquiètes devant le très court délai de ce passage de relais et l'imprécision des réponses.Quid de nos contrats qui se terminent au 30 novembre 2000 ? Allons-nous nous retrouver sans domiciliation ? Avez-vous préparé les nouveaux contrats ? Sur quelles bases ? Certaines de nos sociétés sont en pourparler avec des investisseurs, nous ne pouvons même pas les assurer de la pérennité de notre domiciliation. Avez-vous un planning précis concernant la prise en main des réseaux informatiques du CICA ? Avez-vous listé les priorités? Préparé un programme de travail avec phasage de chaque opération pour le passage des relais ?Un immeuble de bureaux pas comme les autresAutant de questions qui se justifient par le fait que le CICA est un bâtiment intelligent très complexe. Système de sécurité sophistiqué, gestion des flux électriques conçue pour qu'il ne puisse y avoir de coupures de courant (les serveurs des entreprises fonctionnent 24 heures sur 24, tous les jours de l'année), services hébergés demandant une attention permanente avec de fortes pénalités en cas d'interruption (comme ceux de Bouygues Telecom), réseaux informatiques à administrer (les entreprises sont reliées au réseau ISDnet à 2 Megabits) : le CICA n'est pas un immeuble de bureaux comme les autres. En à peine dix jours, du lundi 20 novembre au vendredi 1er décembre à 0 heures, il semble aussi extrèmement difficile de maîtriser l'ensemble des commandes, quelles que soient les compétences mises en oeuvre.Demandée par l'actuel gestionnaire, C.I. Com organisation, une prolongation permettant d'assurer une transition a été refusée au motif d'une impossibilité juridique. Les entreprises redoutent donc des interruptions de services ou de graves dysfonctionnements qui leur soient très préjudiciables. Autant de questions pour lesquelles, vendredi, elles ont obtenu des déclarations d'intention fermes, certes, mais pas de réponses précises.Pas de notion de pépinière d'entreprisesUn autre point d'interrogation concerne la vocation du CICA. Ce qui n'avait pas été exposé clairement jusqu'ici, c'est le changement intervenu dans l'appel d'offres. Désormais, il ne s'agit plus d'une délégation de services publics, formule qui laisse au gestionnaire une certaine autonomie dans la façon d'opérer. Mais d'un contrat de prestation de services. En fait, le nouveau gestionnaire, de par son contrat, sera l'instrument de la puissance publique, ici le Conseil général, qui décidera de la stratégie à suivre.' Dans l'appel d'offres auquel nous avons répondu,précise Pascal Nicoletti, il n'est plus question ni de pépinière d'entreprises, ni d'incubateur. Il est seulement question de 'facility management' et d'un peu d'animation. Il s'agit d'abord d'un contrat technique de gestion du bâtiment et de l'organisation d'un certain nombre de manifestations'. Pour cette partie animation, Carillion a cependant choisi un 'homme de l'art' comme nouveau directeur du CICA : Jean-Louis Geiger.Une 'pointure' dans le domaine des nouvelles technologies et dans le monde des technopoles. Jean-Louis Geiger, dont les compétences dans ce domaine sont reconnues, a travaillé chez Auguste Thouard, à Comex Environnement, etc. Conseiller régional, il a été à l'origine de la Route des Hautes Technologies dont il a présidé pendant douze ans la commission au Conseil régional, il a lancé le réseau R3T2 et a contribué à la création de la plupart des technopoles PACA hors Sophia Antipolis.Deux des candidats attaquent devant les tribunauxSi les compétences du nouveau gestionnaire et celles du directeur qu'il a choisi ne sont pas en question, reste une interrogation qui dominera la vie du CICA dans les dix prochains jours : l'appel d'offres pourrait-il être cassé par la justice. Deux des trois candidats contestent la façon dont l'appel d'offres s'est déroulé et ont décidé d'entamer une procédure devant les tribunaux.Un point est en particulier mis en avant : le règlement de l'appel d'offres précisait qu'il fallait remettre l'ensemble des documents dans une enveloppe. Or les deux candidats qui revendiquent ont été éliminés d'office, sans même que leur offre soit ouverte, pour ce motif : s'il y avait eu une erreur des services dans la rédaction du réglement de l'appel d'offres, c'était le code des marchés publics qui faisait autorité et ce code précise qu'il devait y avoir deux enveloppes. Leur offre ne pouvait donc être prise en compte...Alors que les entreprises se réunissent lundi après-midi pour lister les points sur lesquels elles aimeraient avoir des réponses et faire valoir leurs droits de 'clients', la véritable bataille du CICA devrait s'engager sur ce terrain juridique. Avec là aussi une contrainte de temps terrible : celle du 1er décembre 2000...