Jacques Reboul : la véritable révolution informatique
'Le grand changement, c'est le libre service via Internet. Les gens vont librement se servir sur le réseau. Avec le recul, la micro informatique apparaît comme un support à cette révolution.'
Un parrain de marque pour la nouvelle promotion (40 étudiants) du Mastère en base de données et systèmes de l'UNSA en partenariat avec le Ceram de Sophia Antipolis : Jacques Reboul. Ce Français, ancien président de Bull France et ancien Pdg de Siemens Nixdorf information systems France, est actuellement directeur général pour l'Europe du nouveau département services de Computer associates, troisième éditeur mondial de logiciel. Venu pour évoquer son expérience et parler de l'évolution de l'informatique lors de la séance inaugurale du Mastère, Jacques Reboul a également fait deux annonces qui touchent la formation sophipolitaine en base de données que dirige Serge Miranda.Un : le meilleur projet qui sortira du MBDS (les étudiants travaillent à des prototypages notamment autour de la téléphonie mobile et Internet) sera présenté à C.A. Europe, la grand' messe de Computer associates qui réunit chaque année plus de 10.000 participants. Un rendez-vous qui aura lieu en septembre 2000 à... Cannes ou à Nice. Deux : si C.A. ne créé pas d'emplois dans la région en revanche, comme partenaire du MBDS, il offre des possibilités d'emplois internationaux aux étudiants. Une offre non négligeable alors que la société recrute 25 personnes par semaine sur l'Europe.Concernant l'évolution de l'informatique, voici ce qu'il pense.Comment voyez vous le développement de l'informatique dans les années qui viennent? Jacques Reboul :Deux axes de développement seront très importants. Le premier concerne tout ce qui est administration de réseaux, infrastructure et bases de données. Le second touche aux services.Actuellement, nous assistons à une restructuration d'entreprises sous forme de rachats, de déploiements de 'spin off' (RES). De ce fait, les sociétés deviennent de plus en plus multinationales et ont besoin de travailler avec des unités éparpillées (filiales, correspondants, partenaires, etc.). A partir de là, elles doivent restructurer leur système d'information.L'urgence, aujourd'hui, est de faire en sorte que toutes les entités qui composent une entreprise puissent communiquer entre elles. C'est ce qu'apportent les technologies d'administration de réseaux et toute l'infrastructure. Computer associates s'est attaché à mettre au point des produits très compétitifs, ouverts, qui reconnaissent les objets (PC, imprimantes, routeurs, serveurs) et permettent cette communication.Les bases de données répondent à une autre nécessité : rassembler les données dans un même endroit, accessible à tous, avec de la sécurité (contre les virus, les piratages). Là aussi, nous avons lancé des produits originaux comme Jasmine, une base de données orientée objets avec visualisation et objets en 3 D.Avec Linux, la révolution du logiciel libre est en cours. Ne va-t-on pas assister à un transfert de valeur du logiciel vers les services ? Jacques Reboul :Au dela d'un produit qui fonctionne, les utilisateurs ont besoin de plus en plus d'un service permettant de travailler avec plus de confort. L'exemple du téléphone est significatif. Ce n'est pas le téléphone en lui même qui dégage de la valeur, mais ce qu'il est possible de faire avec lui. L'utilisateur sera de plus en plus intéressé, non par le PC ou par le téléphone, mais par la faculté de se connecter à un journal ou bénéficier d'un service d'alerte sur son mobile s'il s'intéresse à la bourse etc.Oracle s'est lancé il y a cinq ans dans les services et il y réalise aujourd'hui 50% de son chiffre d'affaires. C.A. a ouvert son département services voilà un an et y fait déjà 15% de son chiffre. Concernant le logiciel, il serait faux de dire qu'il n'a plus de valeur. Il y a un tel concentré d'intelligence dans un logiciel! Tout juste peut on dire que sa valeur commerciale peut passer à zéro si elle se déplace dans les services. Le logiciel peut alors être fourni gratuitement parce que derrière, l'entreprise sait qu'elle pourra vendre des services.'John Gage, le chercheur de Sun Microsystems, annonçait l'autre jour au forum de Theseus, qu'une nouvelle révolution informatique arrivait : celle qui mettrait un ordinateur au cœur de chaque objet. Qu'en pensez-vous? Jacques Reboul :L'ordinateur partout ? Sans doute est-ce l'évolution en cours. Mais l'évolution clé que je vois, je la résumerais par deux mots : libre service. Tout le monde parle de la révolution de la micro informatique du début des années 80.Revenons en arrière. Pour moi, la véritable révolution de cette seconde moitié du siècle a été celle du super marché. Quand un client entre, au lieu de demander au vendeur, il se sert lui-même. Nous assistons en informatique au même mouvement : le libre service via Internet. Les gens vont librement se servir sur le réseau. Avec le recul, la micro informatique apparaît comme un support à cette révolution.Nous achèterons des films sur Internet, de la musique, des cours. Nous proposons ainsi déjà un 'virtuel learning center' où il est possible d'entrer, de choisir ses cours et de travailler. C'est la véritable révolution qui est actuellement en route : celle du libre service. Désormais, le consommateur final prend le pas sur l'industriel.'