Daniel Dardailler : gérer l'évolution du web
Nous sommes un lieu d'échange entre tous les acteurs du Net, une sorte d'arbitre de l'évolution du web. Notre légitimité, c'est que le marché tout entier a intérêt à la standardisation.
A l'aube du tout internet, l'existence du World Wide Web Consortium (W3C) est fondamentale pour l'élaboration des standards de la toile de demain. Le W3C compte parmi ses membres les plus grands noms de l'informatique. Par ailleurs férocement concurrents, ces derniers unissent ici leurs forces dans un intérêt commun. Accueilli par trois organismes, dont un aux Etats-Unis, et un autre au Japon, c'est à l'INRIA à Sophia-antipolis que revient l'honneur d'être l'hôte européen de ce consortium mondial.Entre un départ pour Malte et un avion pour Boston, Daniel Dardailler, responsable du W3C de Sophia-antipolis, fait la lumière sur l'organisation pour laquelle il travaille.Le W3C est organisé autour de trois pôles. Comment se répartissent les rôles, au sein du W3C, entre ces trois institutions hôtesses, le Massachusetts Institute of Technology (M.I.T.) aux Etats-Unis, l'INRIA en France et l'Université de Keio au Japon ? Daniel Dardailler :Nous sommes tous au W3C fédérés autour d'un projet commun, qui est, et c'est notre slogan, d'amener le web à son plein potentiel. Il s'agit de développer et d'harmoniser les protocoles et les langages utilisés sur le réseau. Pour y parvenir, il n'y a pas de réelle fragmentation du travail ni de hiérarchie formelle entre les différents organismes d'accueil du W3C.Evidemment le W3C a d'abord été formé autour du /web.mit.edu">M.I.T.en octobre 1994, et ce n'est qu'après qu'il s'est élargi en Europe par un partenariat avec l' /www.inria.fr">I.N.R.I.A.en avril 1995, puis au Japon avec l' /www.keio.ac.jp">Université Keioen août 1996. Mais cela ne donne la suprématie à personne. Même s'il y a plusieurs entités administratives formant le consortium, il n'y a pas de différences : nous sommes plutôt organisés sur le principe du web, si vous voulez !Vous comptez parmi vos membres des entreprises qui, par ailleurs sont des concurrents acharnés. Quel intérêt ont-ils à coopérer ici ? En d'autres termes, qu'est ce qui fait la force du consortium ? Daniel Dardailler :La force du consortium provient évidemment directement de nos membres. Toute entreprise qui le souhaite peut adhérer à notre groupe en payant, suivant sa taille, entre 5.000 à 50.000 $ par an, ce qui lui donne alors le droit de participer à l'élaboration des nouvelles technologies en faisant intervenir ses propres paramètres ou exigences. Nous comptons aujourd'hui plus de 300 membres en provenance de tous les pays du monde, bien que les groupes américains soient majoritaires. Il s'agit de constructeurs informatiques, de vendeurs de logiciels, de sociétés de télécommunication, de fournisseurs de contenus, etc.…Tout le monde a fondamentalement intérêt à ce que les normes soient standardisées. Bien sûr, il pourrait y avoir plusieurs web, celui d'AOL, d'IBM ou de Microsoft par exemple, mais chacun serait à un moment limité par les normes de l'autre : c'est donc le marché tout entier qui a intérêt à la standardisation des protocoles et langages de base ! Et c'est dans ce but que nous travaillons…Vous jouez alors le rôle d'arbitre ? Daniel Dardailler :Oui, c'est cela. Il s'agit pour nous de développer des spécifications en partenariat avec nos membres, qui évidemment font en sorte que le résultat tourne à leur avantage ! Nous représentons une plate-forme d'échange entre les acteurs du milieu Hi-Tech.Mais notre place centrale et neutre nous permet également de prendre en compte des besoins qui, sinon, seraient laissés de côté, comme par exemple le problème de l'internationalisation et de l'ouverture à d'autres langues, ou celui, pour lequel je travaille plus précisément, de l'accès du web aux handicapés.Pourquoi êtes-vous installés à Sophia Antipolis et quels avantages y trouvez-vous ? Daniel Dardailler :D'abord, le W3C en France n'est pas exclusivement installé à Sophia : nous avons aussi trois ou quatre personnes à Grenoble et le président du consortium, Jean-François Abramatic, est basé à Paris.Pourquoi Sophia ? Eh bien, c'est difficile à dire précisément ! D'abord l'équipe y a des affinités incontestables. J'y ai moi-même passé mon doctorat, avant de partir travailler six ans aux Etats-Unis. Donc l'idée d'y revenir ne m'était pas du tout désagréable, au contraire. Et puis nous avons retrouvé sur place plusieurs de nos membres avec lesquels nous travaillons, comme IBM, Bull, France Telecom, Ilog, ou d'autres administrations de normalisation comme l'ETSI, ce qui nous facilite la tâche. Enfin les structures d'enseignement supérieur de Sophia nous permettent de trouver à proximité des étudiants qualifiés pour participer, dans le cadre de stage, à des projets que nous menons. Bref, rajoutez à ça la mer et la montagne et vous vous rendrez compte que les avantages de Sophia sont nombreux !