Pour tenter de mettre fin à la polémique sur les croisières qui s'est engagée cet été, le préfet des Alpes-Maritimes, Laurent Hottiaux, accompagné du préfet maritime, a présenté en fin de semaine dernière un dispositif départemental pour réguler l’accueil des navires sur la Côte d’Azur.(Photo WTM : les géants des mers à Cannes au mouillage face à la Croisette).
Une jauge moyenne de 2.000 passagers débarqués par escale et par port
Le plan, soumis à consultation publique pendant 21 jours, fixe une jauge moyenne de 2.000 passagers débarqués par escale et par port, avec des pics possibles jusqu’à 3.000.
Pour les navires de plus de 1.300 passagers, la règle sera une escale par jour et par site, renforcée à 15 escales maximum par mois en juillet et août. En cas de pic de pollution niveau 1, les navires devront réduire leurs émissions ; au niveau 2, l’escale est supprimée. Objectif affiché : concilier environnement, santé publique, tranquillité locale et enjeux économiques.
Cannes et Nice ont pris des mesures
Cette reprise en main intervient après des initiatives municipales jugées illégales ou trop fragmentées. À Cannes, David Lisnard avait voté une réduction forte des escales de paquebots de plus de 3.000 passagers (34 en 2026, 31 en 2027) et souhaitait, à l’horizon 2030, privilégier des navires ≤ 1 300 passagers.
À Nice/Villefranche-sur-Mer, Christian Estrosi avait tenté d’interdire les plus gros paquebots avant de se rabattre sur des quotas ; le tribunal administratif avait rappelé en juillet que la régulation des mouvements des navires relève du préfet et pas du maire.
Pour l’État, il s’agit désormais d’éviter les reports entre baies et d’harmoniser les règles sur un littoral où aucun port ne peut accueillir à quai les “géants des mers”, contraignant au mouillage en baie et à une logistique lourde de débarquement.
Des réactions locales qui restent vives
Le problème n’est pas pour l’instant réglé. Les réactions locales restent vives. Christian Estrosi dénonce “un constat d’échec” et juge l’impact “marginal” sur le littoral niçois ; il réclame une réduction stricte du nombre d’escales, le bannissement des plus gros navires et la priorité aux bâtiments les moins polluants. Il menace d’un recours contre l’État pour carence fautive si le texte n’est pas durci.
David Lisnard de son côté salue “un début de prise de conscience” mais fustige une “approche uniforme” qui ignore les spécificités cannoises et des seuils trop permissifs ne permettant pas une baisse réelle de l’impact ni une réponse aux attentes des habitants.
À l’inverse, l’Union maritime du 06 s’est satisfaite dans un communiqué d’une régulation concertée, équilibrée et adaptée au littoral azuréen, rappelant que la croisière devient la seule activité de transport de passagers soumise à un tel cadre.
La Côte teste une gouvernance territoriale de la croisière
Quelques chiffres donnent une idée de l’enjeu : en 2024, 175 navires ont fait escale dans la baie de Cannes (ce qui représente environ 460.000 croisiéristes), et 103 à Villefranche-sur-Mer (le tout loin cependant des 624 escales à Marseille). Selon la préfecture, l’alerte pollution de niveau 2 dans le département a été atteinte en août 2025. Aussi le préfet insiste : “nous sommes le premier département à agir ainsi “, au regard de la sensibilité environnementale des sites (baies, herbiers, qualité de l’air et de l’eau) et de l’importance économique du secteur (Cannes 3e port d’escale méditerranéen, Nice 4e, Villefranche 8e).
La prochaine étape sera l’arrêté préfectoral à l’issue de la consultation, avec un suivi par les autorités portuaires pour le respect des moyennes et plafonds. Entre exigence écologique, acceptabilité locale et poids économique du tourisme maritime, la Côte d’Azur teste une gouvernance territoriale de la croisière appelée à faire école — ou à se durcir encore, si le bras de fer entre l’État et les grandes villes littorales se prolonge.