Corse : le vendredi du grand blocus
Journée sans avions et sans bateaux sur l'île : la Compagnie Corse Méditerranée et la compagnie de navigation SNCM font cause commune contre l'ouverture à la concurrence.
Derrière le bras de fer qui se joue avec la CCM (Compagnie Corse Méditerranée), c'est tout le problème de l'ouverture à la concurrence des lignes subventionnées par la continuité territoriale qui se trouve posé. Depuis deux jours, une bonne partie des vols entre la Corse et le continent sont bloqués. Les employés de la CCM ont entamé une grève pour protester contre ce qu'ils considèrent comme une menace : l'appel d'offres européen, destiné à organiser les liaisons Corse-continent sous forme de service public, n'a pas été favorable à leur compagnie.Air Littoral moins cherLes marins de la SNCM (Société nationale Corse Méditerranée) leur emboiteront le pas vendredi. Eux aussi, auront à satisfaire à la même épreuve de la concurrence un peu plus tard, en 2002 (l'échéance est en 2000 pour la CCM). Tant et si bien que ce 10 décembre sera celui du grand blocus de l'île. La Corse sera coupée du continent. Il ne sera possible de l'atteindre ni par air, ni par mer.Le problème ? Il est simple : la proposition d'Air Littoral (groupe Swissair) est de 200 millions de francs moins chère que les autres, celle de CCM et celles d'Air France. Cela pour l'ensemble des lignes pour lesquelles les trois compagnies se sont positionnées : les liaisons entre Marseille et Nice, côté continent, et Bastia, Ajaccio, Calvi, côté Corse. Air Liberté (filiale de British Airways) garderait le Marseille Figari, tandis qu'Air France resterait sur les liaisons avec la Corse au départ de Paris. Mais la guerre est ouverte pour toutes les liaisons au départ de Nice et de Marseille où Air Littoral (particulièrement à Nice) dispose de solides hub régionaux pour les connexions.Une journée capitaleDeux solutions se dessinent aujourd'hui, alors que les élus corses doivent se prononcer. Soit ils déclarent l'appel d'offre infructueux. Mais il faudra alors argumenter sérieusement devant la Commission européenne. Soit ils suivent la proposition de Jean Baggioni, président du conseil exécutif qui, après avoir déclaré que l'appel d'offres désignait Air Littoral est revenu sur sa position et a proposé d'annuler la procédure pour cause de 'risques de troubles à l'ordre public et de doutes sur la sincérité d'Air Littoral'.Mais dans ce cas de figure, dès le 1er janvier 2000, soit dans trois semaines, l'ensemble des lignes serait ouvert à la concurrence, chaque compagnie touchant une part de la subvention à la continuité territoriale, au prorata des passagers transportés. La CCM (466 employés, 518 millions de francs de C.A.), qui, par son statut n'est autorisée qu'à faire du bord à bord, ne pourrait que perdre des parts de marchés importantes.Quant à la SNCM, elle aura à affronter la procédure d'appel d'offre deux ans plus tard, en 2002. Déjà, comme on a pu le voir sur Nice avec la bataille des navires à grande vitesse, Corsica Ferries s'est mise en position. Et comme Air Littoral pour l'aérien, Corsica Ferries a laissé entendre qu'elle se contenterait de la moitié de la somme affectée actuellement pour la continuité territoriale. Les solutions qui seront retenues vendredi 10 décembre aussi, ne manqueront pas d'avoir des répercussions importantes.