Cannes : l'usine du futur s'invente chez Thales Alenia Space
Robots, cobots, Objets connectés, Réalité Augmentée, fabrication additive : le constructeur cannois de satellites veut mettre les dernières technologies du 21ème siècle en musique dans ses salles blanches pour assurer sa transformation industrielle. Démonstration avec le "Robot Show" présenté cette semaine.
Ce n'est peut-être pas encore la réalité aujourd'hui. Mais Thales Alenia Space a commencé sa transition vers l'usine du futur. A Cannes, TAS, l'un des grands de l'industrie spatiale mondiale, compte bien jouer de toutes les technologies nouvelles actuelles et de toutes les innovations organisationnelles pour mécaniser les travaux répétitifs sur ses sites de production, réduire les cycles de production des satellites (actuellement 27 mois pour un gros satellite de télécommunication) et, dans le même temps, valoriser le travail de ses ingénieurs. Un gros pari dont les lignes sont actuellement tracées sur le site de Cannes La Bocca à travers une opération "Robot Show (sur la photo, Stéphane Morel et un "cobot", bras articulé "intelligent" une des vedettes de ce Robot Show).
Robotique, cobotique, Objets connectés, Réalité augmentée...
Pour Jean-Philippe Jahier, directeur de l'innovation et du déploiement des nouvelles technologies de TAS, il s'agit, dans un premier pas, de montrer en interne l'éventail des technologies à la disposition de l'industrie spatiale pour que chacun puisse les intégrer et imaginer comment il pourrait les utiliser dans son travail. Une panoplie en tout cas impressionnante et qui touche toute la chaîne, de la conception jusqu'au produit final et passant par la construction des satellites.
Parmi les technologies au service des produits, figurent la robotique et la cobotique (contrairement aux robots qui peuvent assumer un travail répétitif bien défini, les cobots sont beaucoup plus subtils et peuvent interréagir avec un process humain). Pleines de promesses également, les technologies d'Objets connectés, de Réalité augmentée et de fabrication additive.
Comment vont-elles être utilisées dans le domaine des satellites qui s'apparente plus à de la haute couture qu'à de la production de masse comme dans l'automobile ? C'est ce qu'a cherché à définir Thales Alenia Space. Les objets connectés ? Cette technologie permettra à partir d'un marquage numérique de chaque pièce de satellites d'identifier immédiatement chaque objet, d'assurer une traçabilité, de pouvoir le présenter dans son contexte et de renvoyer des informations dans le SI après chaque opération (donner le couple de serrage par exemple).
L'ére nouvelle de la fabrication additive
La fabrication additive ? Elle ouvre une nouvelle ère industrielle. C'est l'impression 3D qui, appliquée à l'industrie, change complétement le mental des ingénieurs. "Désormais, on ne fait plus de copeaux, résume Jean-Philippe Jahier. Jusqu'à présent, les opérations d'usinage consistaient à retirer de la matière. Maintenant, il s'agit d'en ajouter." Car depuis les premières imprimantes 3D, juste capable de reproduire des gadgets en plastique, d'énormes progrès ont été faits.
"Il est maintenant possible de travailler avec des métaux comme l'aluminium, le titane, l'invar (des couches de poussières de métal sont successivement déposées et fondues par un laser) et même bientôt les céramiques", ajoute Jean-Claude Derbes, responsable du Département Production. "Un satellite partira prochainement avec une pièce très complexe (le support d'une antenne de télémesure) créée d'un seul tenant en fabrication additive. Un procédé qui présente un intérêt supplémentaire important pour le spatial : celui de la masse. Comme l'on ne met que la matière dont on a besoin, pour la même efficacité le poids de l'objet peut être divisé par deux!"
La Réalité augmentée ? Elle se conjugue avec les technologies des Objets connectés. Les satellites sont très complexes. A chaque mise en place d'une pièce, le technicien pourra notamment avoir toutes les informations qui s'affichent dans son casque de réalité augmentée : le contexte de la pièce, les instructions de montage, etc.
Nos futurs amis cobots...
Quant aux robots et cobots, une démonstration de ce qu'ils peuvent faire était donnée dans une des salles blanches du site en présence de Stéphane Morel, le fondateur d'AkéoPlus (photo ci-dessus), société lyonnaise spécialisée qui se fait fort de donner du sens et de l'intelligence aux machines. Impressionnant. Le système SAPHIR, avec son énorme bras robotique articulé permet de poser automatiquement des inserts de fixation sur un panneau de satellite de 3 à 4 mètres de longueur. Quelque 3.000 inserts sont ainsi à poser avec haute précision, ce qui demande à des "humains" trois semaines d'un travail répétitif et une semaine à ce robot équipé d'un système de vision artificielle.
A proximité, évolue un système "cobotique" comportant un bras cobotique fixe et un bras robotique monté sur un chariot autonome (AGV), ce qui lui permet un déplacement facile dans la salle blanche et donc des changements de postes rapides. "L'intérêt du cobot, c'est qu'il est facile à programmer (on l'accompagne une première fois dans ses mouvements pour qu'il retienne les gestes à faire) et qu'il peut apprendre", commente Stéphane Morel. Bref, un ami qui est aux côtés de l'ingénieur pour là aussi réaliser des tâches répétitives de sa main de fer…
"Mais", insiste Jean-Philippe Jahier, "l'objectif n'est pas de travailler avec moins de monde. Notre vision est loin de l'usine 4.0 qui ne fonctionnerait qu'avec un employé. Au contraire, la transformation industrielle en cours chez nous vise à remettre les équipes au cœur du processus. Cette approche nouvelle, place l'expertise comme moteur de l'amélioration continue et cherche à inciter les exécutants à devenir de véritables acteurs".