Cannes : cette Industrie 4.0 que met en oeuvre Thales Alenia Space
Robotique, cobotique, réalité augmentée, réalité virtuelle, nouveaux matériaux, nouvelles technologies de fabrication comme la fabrication additive… et, depuis quelque mois, transformation numérique du groupe : l'immense challenge en cours dans les salles blanches cannoise de Thales Alenia Space. Petite visite d'étape…
Le spatial l'exige. D'abord ce domaine est déjà hautement technologique. Ensuite, son marché est en pleine effervescence avec l’apparition de nouveaux acteurs et de nouvelles initiatives. Salut Space X notamment. Dans ce contexte hyper concurrentiel, la compétitivité tient de la survie et l'on peut comprendre que Thales Alenia Space à Cannes, la plus grande entreprise industrielle de la Côte d'Azur (2.800 personnes en permanence sur le site de Cannes La Bocca) se soit lancée à fond dans l'entreprise du futur en jouant de toutes les manettes : robotique, cobotique, réalité augmentée, réalité virtuelle, nouveaux matériaux, nouvelles technologies de fabrication comme la fabrication additive… et, depuis quelque mois, transformation numérique du groupe. Un immense challenge.
Le robot SAPHIR et les "cobots"
La visite organisée vendredi dernier par le site cannois sur le thème de l'usine 4.0 s'avérait d'autant plus intéressante qu'il y près de trois ans, en février 2015, Thales Alenia Space avait organisé le même type de visite. Ce nouveau point d'étape permettait aussi d'évaluer les progrès accomplis depuis. Première constatation : la robotisation dans ce secteur très précis du spatial, où les satellites se font à l'unité, n'est pas facile à mettre en œuvre et demande du temps.
Ce qui nous avait alors particulièrement subjugué, c'était le robot SAPHIR et les "cobots". L'énorme bras robotique articulé de SAPHIR permet de poser automatiquement des inserts de fixation sur un panneau de satellite de 3 à 4 mètres de longueur. Quelque 3.000 inserts sont à poser avec haute précision, ce qui demande à des "humains" trois semaines d'un travail répétitif et une semaine à ce robot équipé d'un système de vision artificielle. Ce "robot" d'un coût de 800.000 euros était alors en test. Il n'est en production que depuis un bon mois. Il aura fallu près de trois ans pour que l'ensemble du process soit validé.
Quant aux "cobots" qui étaient alors présentés (un bras cobotique fixe, bardé de capteurs, qui peut se programmer manuellement et un bras robotique monté sur un chariot autonome), ils ne commencent qu'aujourd'hui à entrer en production avec CRATOS (Collaborative Robot Addressed To Operative Solutions), installé en Italie dans l'usine de L'Aquila et attendu à Cannes au milieu de l'an prochain.
Pierre Lipsky, directeur du site de Cannes, devant le grand bras de SAPHIR.
Le même travail que fait Saphir mais réalisé ici manuellement, dans une position très inconfortable, comme cela se faisait auparavant.
Fabrication additive : déjà plus de 1.150 pièces en orbite
En revanche, cela va beaucoup plus vite dans d'autres secteurs comme celui de la fabrication additive par imprimantes 3D. En février 2015, Thales Alenia Space venait de produire ainsi ses premières pièces pour l'espace (une antenne pour MonacoSat). Aujourd'hui, ce sont déjà plus de 1.150 pièces qui circulent en orbite. Tous les satellites de télécommunication Thales Alenia Space récemment lancés arborent leurs supports d’antennes et leurs ferrures de réflecteurs au design allégé imprimé en 3D (environ 100 pièces). De même, la constellation Iridium NEXT dispose de supports tubings en polymère, tous identiques, 35 par satellite, 30 satellites lancés, soit 1050 pièces en orbite.
Les libertés de forme que permet la fabrication additive et l’absence d’outillage requis représentent une technologie rêvée pour des pièces complexes uniques - pièce avec des courbes, des alvéoles ou des cavités - ou en toute petites séries. Sans oublier, avantage majeur, que les gains de masse et de coût sont importants.
La Réalité Virtuelle dès la phase de conception de Stratobus
Autre composante de l'usine 4.0 : la réalité Virtuelle. Elle est "en production" pour le programme StratobusTM. Ce dirigeable d’une hauteur atteignant 35 mètres et de longueur 110 mètres est intégré dans un hangar de 47 mètres de hauteur sous plafond qui reste à construire. La réalité virtuelle simule le dirigeable et son environnement, permettant à l’utilisateur de s’y immerger, à l’échelle de StratobusTM.
La réalité virtuelle permet ainsi d’optimiser en amont la conception des sous-ensembles en relation avec les besoins opérationnels. Les différents concepts et options peuvent-être revus, ajustés et modifiés rapidement. Dans un second temps, la réalité virtuelle permettra de définir et valider les procédures d’assemblage et de maintenance du dirigeable StratobusTM. Mais dès la phase de conception elle permet de réduire les coûts, les risques, les durées de développement tout en augmentant le niveau de qualité.
Logistique : en route pour le "Space Loop"
Nouveau et déployé pour la logistique, le magasin central et le Space Loop. Le magasin central est désormais installé au cœur des activités industrielles de Thales Alenia Space à Cannes. Grâce à celui-ci, une optimisation de 500m² sur 2 niveaux a été réalisée, avec une réduction d’1/3 des surfaces et 5000 références d’articles vol gérées au quotidien. Quant au Space Loop, dispositif de logistique interne, il permet d’approvisionner en matériel tous les ateliers industriels du site : Production, AIT Satellite, AIT Charge Utile Optique, Mécanismes & Générateurs Solaires. Le matériel est acheminé par wagons entre le magasin central et les ateliers, ce qui facilite le travail des équipes. Les wagons sont tractés par une motrice électrique au cœur des salles blanches, l’ensemble étant piloté par un logisticien de Thales Alenia Space.
Nouveau également le FabLab "RV & Docking". Les innovations qui y sont mises en oeuvre ont un impact sur une gamme étendue des marchés visés par Thales Alenia Space, au profit des deux segments d’Observation de la Terre et de Télécommunications : service en orbite, rendez-vous en orbite Martienne et Lunaire au service de la Science et de la future station spatiale lunaire, opérations de proximité avec les stations spatiales, navigation autour de systèmes complexe…
Le petit train de "Space Loop" sur ses "rails" vient livrer les postes de travail.
Une nouvelle génération de satellites maintenus dans l'espace par des robots
Et puis, ce qui n'était pas à l'ordre du jour il y a trois ans, c'est un concept de robotique spatiale. Il touche à l'univers de Star Wars avec des satellites conçus comme des "lego" et qui pourraient être "upgradés", dotés de nouvelles fonctions, par l'ajout de "modules" posés, réparés, transformés dans l'espace par des robots. C'est l'objectif du projet I3DS (Integrated 3D sensors). Il vise à développer une suite de capteurs pour réaliser ce type de missions. Un projet qui par ailleurs rejoint celui de l'industrie automobile pour sa voiture autonome.
Une course vers l'innovation impérative. Les clients du spatial demandent aujourd’hui des solutions flexibles et agiles, des produits innovants et fiables, de la visibilité en temps réel sur l'avancement industriel, une grande traçabilité, un "time-to-market" réduit pour être homogène avec les autres secteurs industriels, une compression des cycles et une augmentation des cadences. Les nouveaux projets d’envergure tels que les méga-constellations ou encore les programmes d’explorations vers la Lune ou d’autres planètes vont provoquer des ruptures technologiques chez les industriels. Thales Alenia Space, chef de file européen de l'usine du futur, se met aussi en ordre de marche pour répondre à tous ces défis.
Et puis, comme l'a noté en préambule Pierre Lipsky, directeur du site cannois, l'autre grand enjeu auquel s'attaque depuis quelque mois Thales Alenia Space, c'est celui de la transformation numérique du groupe. Autant de nouvelles étapes encore à venir dans cette usine 4.0 qui se met progressivement en place dans les salles blanches cannoises.