Cannes 2016 : du grand Almodóvar avec « Julieta »
Avec « Julieta » Pedro Almodóvar a frappé un grand coup et pourrait enfin décrocher la Palme d’or qui semble lui échapper avec obstination. Plus sobre qu’à son habitude, le cinéaste espagnol nous livre un film magnifique, bourré d’émotion et parfaitement maîtrisé.
Si Pedro Almodóvar a souvent marqué les éditions du Festival de Cannes auxquels il a participé avec des films comme « Tout sur ma mère », « Volver » ou « Etreintes brisées » qui ont fait figure de favori pour la Palme d’Or, le cinéaste espagnol n’a jamais encore obtenu la récompense suprême. Cette année, avec « Julieta » présenté hier, il pourrait bien mettre fin à cette sorte de malédiction
Une femme brisée en mal de mère
« Julieta » brosse le portrait d’une mère rongée par la douleur depuis que sa fille l’a quittée sans explication et hantée par la culpabilité car elle se sent responsable de la disparition en mer de son mari qui, après une dispute avec elle, était parti naviguer malgré les mauvaises conditions météo. Un jour, alors qu’elle rencontre par hasard l’ancienne meilleure amie de sa fille qui lui annonce l’avoir croisée récemment en Suisse, Julieta se remet à espérer recevoir un signe de sa fille qui ne lui a plus donné de nouvelles depuis 12 ans. Elle réemménage dans son ancien immeuble à Madrid, dernier lien avec sa fille, et, en attendant que celle-ci se manifeste, commence à lui écrire une longue lettre dans laquelle des choses qu’elle ne lui avait jamais dites sur son passé.
Deux actrices pour incarner Julieta
Dans « Julieta » Pedro Almodóvar aborde avec profondeur de nombreux thèmes qui lui sont chers comme les rapports mère-fille, les secrets de famille ou le sentiment de culpabilité. Pour cela, il utilise de nombreux flashbacks pour nous replonger 30 ans en arrière, au moment de la rencontre entre Julieta et son mari Xoan. Refusant de jouer sur les effets du maquillage, Pedro Almodóvar a fait le choix d’avoir recours à deux actrices pour incarner son héroïne. La première, Adriana Ugarte, de 25 à 40 ans et la seconde, Emma Suárez, à partir de 40. Le pari fonctionne et leurs deux visages finissent par se mêler pour donner corps à ce personnage qui cherche désespérément à percer ce mystère insondable qui fait que nous abandonnons les gens que nous aimons.
Avec le temps, Pedro Almodóvar s’est sans doute un peu assagit et « Julieta » est moins flamboyant que certains de ses précédents films, mais il est bourré d’émotion et le résultat est magnifique. « Julieta » comporte tous les ingrédients d’une bonne Palme d’Or et pourrait permettre au cinéaste espagnol de briser sa malédiction cannoise, même si la concurrence est rude cette année.