Alzheimer : des chercheurs de Sophia ouvrent une nouvelle piste
Associée à des chercheurs allemands, l'équipe du Dr Hélène Mari à l'IPMC, l’Institut de pharmacologie moléculaire et cellulaire de Sophia Antipolis, a identifié un nouvel agent actif dans la maladie d'Alzheimer. Ce "peptide" avait échappé à toute détection depuis 30 ans et sa découverte pourrait avoir des conséquences immédiates sur les essais cliniques en cours.
La Côte d'Azur est en pointe dans la lutte contre l'Alzheimer. Elle a constitué un véritable pôle d'excellence dans la recherche sur cette maladie autour de l'Institut Claude Pompidou ouvert à Nice en 2012 avec son association "Innovation Alzheimer", ou encore de l'équipe de recherche du professeur Checler à l’Institut de pharmacologie moléculaire et cellulaire (IPMC), à Sophia Antipolis. Dans le combat contre ce fléau, la recherche azuréenne vient de s'illustrer une nouvelle fois en participant à l'identification d'un nouveau peptide actif dans la maladie d'Alzheimer.
Il avait échappé à toute détection depuis 30 ans
Proche cousin du fameux amyloïde-β, qui s'accumule en formant des plaques dans les neurones des patients, il avait en effet échappé à toute détection depuis 30 ans. Pourtant, ce nouvel acteur, l'amyloïde-η (êta), est produit de façon constitutive dans le cerveau et perturbe les fonctions neuronales. Sa découverte pourrait aussi avoir des conséquences sur certains essais cliniques en cours.
Une découverte qui est le fruit d'une collaboration internationale entre des équipes allemandes et une équipe française de l'Institut de pharmacologie moléculaire et cellulaire (CNRS/Université Nice Sophia Antipolis) menée par le Dr Hélène Mari (avec son équipe sur la photo ci-dessus). L'étude a été publiée lundi 31 août par la revue Nature.
Un nouveau peptide qui influe sur le fonctionnement des neurones
La maladie d'Alzheimer est-il expliqué, est associée à l'apparition d'agrégats neurotoxiques (plaques amyloïdes, accumulation de protéine tau) dans les neurones de l'hippocampe ; ces anomalies se propagent ensuite dans tout le cerveau. Il y a plus de trente ans, l'analyse chimique des plaques a révélé qu'elles sont composées de peptides amyloïde-β, eux-mêmes issus du découpage d'une protéine précurseur nommée APP. Alors que tous les efforts se concentraient sur l'amyloïde-β, ce qu'a découvert l'équipe internationale c'est que la protéine APP peut être découpée autrement et générer un peptide différent. Nommé amyloïde-η (êta), ce nouveau peptide, n'est pas sans conséquences sur le fonctionnement des neurones.
Bien qu'il soit produit en plus grande quantité que l'amyloïde-β, l'amyloïde-η avait échappé à toute détection ces trente dernières années. En effet, les neuroscientifiques avaient concentré leur attention sur l'amyloïde-β, son mode de production et d'accumulation, sa toxicité pour les neurones et les moyens de l'inhiber pour traiter la maladie d'Alzheimer.
Des conséquences immédiates sur les essais cliniques en cours
Dans cette étude, après l'avoir identifié à la fois dans le cerveau de souris modèles pour la maladie et dans celui de patients, les chercheurs montrent que ce nouveau peptide, comme l'amyloïde-β, diminue le renforcement des synapses nécessaire à la mémorisation. Par ailleurs, contrairement à l'amyloïde-β qui rend les neurones hyperactifs, l'amyloïde-η les rend plus difficilement excitables. Au vu de sa neurotoxicité, ce nouveau peptide est sans doute impliqué dans le mécanisme de la maladie d'Alzheimer. Toutefois d'autres travaux seront nécessaires pour déterminer son impact sur les déficits cognitifs.
Cette découverte a néanmoins des conséquences immédiates sur les essais cliniques en cours, dont la plupart visent à réduire la quantité d'amyloïde-β dans l'espoir d'enrayer la perte de mémoire. Un de ces essais cliniques, par exemple, étudie l'inhibition de la β-sécrétase, une enzyme clé qui est impliquée dans la formation d'amyloïde-β. Or, les chercheurs viennent en effet de confirmer que l'inhibition de cette enzyme permet de réduire la production d'amyloïde-β mais que cela s'accompagne d'une augmentation massive d'amyloïde-η.
Il est donc très probable que cette stratégie thérapeutique soit nocive pour le cerveau, par l'action exagérée d'amyloïde-η sur les neurones. Cette découverte invite aussi les cliniciens à être très attentifs aux possibles effets secondaires non-anticipés des essais cliniques.