Tellus à Sophia : les télécoms au service des micro-échanges Nord-Sud
Comment faciliter le transfert de pouvoir d'achat entre d'un côté les citoyens des PEV (Pays en voie de développement) venus travailler dans les pays développés et de l'autre ceux (familles ou proches) qui sont sur place et qu'ils veulent aider ? En faisant appel aux télécoms et aux technologies les plus poussées a répondu Koffi Freitas. Originaire du Togo, ingénieur télécoms, il a fondé la société Tellus sur ce terrain des micro-paiements et des échanges Nord-Sud. Une société actuellement incubée au CICA par TELECOM Paris Tech EURECOM et qui commence à se déployer..
Le méga marché du micro paiement
Cette question des micro-transferts nord-sud est d'importance. Elle est même fondamentale pour les immigrés qui font vivre des familles de cinq, dix, quinze personnes voire parfois plus sur le continent africain. A l'échelon des Etats, il faut savoir aussi que ces transferts d'argent des pays développés vers les PEV représentent selon les pays de 9 à 24% du PIB (Produit intérieur brut) et pèsent autant que l'aide au développement. Micro paiements certes, mais méga marché. En 2007, selon l’IFAD (International Fund for Agricultural Development), 200 millions d’expatriés ont transféré plus de 311 milliards de $ vers leurs pays d’origines. Un chiffre qui ne couvre que 50% du volume réel estimé.
Actuellement, ces transferts de valeur sont assurés majoritairement par la Western Union, l'une des entreprises américaines les plus rentables. Elle dispose d'un réseau d'agences très étoffé mais le coût de ses services reste élevé, notamment pour de petits montants. Quant aux autres grandes banques mondiales elles sont très peu présentes sur ce marché. "Je me suis donc intéressé à cette question", explique Koffi Freitas. Agé de 36 ans et ingénieur Paris Tech, Koffi, après une dizaine d'années d'expérience à des postes de responsabilité dans des sociétés de télécom, a estimé qu'il pouvait se lancer. "Je peux apporter des réponses d'autant plus pertinentes que j'ai la double culture et que je connais donc bien à la fois les besoins des utilisateurs et les technologies et moyens à mettre en œuvre pour y répondre."
Un système de recharges téléphoniques prépayées avec les opérateurs télécoms
"Il faut prendre en compte notamment le fait que cette population n'est pas toujours bancarisée, que les envois se font sous forme de mandat Express (l'argent doit être rapidement disponible) et que les fonds ainsi envoyés ne sont pas toujours utilisés par le bénéficiaire comme le souhaiterait le donateur. J'ai donc envisagé un système à travers lequel ce que l'on envoie ce n'est pas de l'argent, mais le droit d'utilisation d'un service ou l'achat d'un produit, notamment avec des produits de première nécessité".
"J'ai commencé à mettre en place ce système avec des recharges téléphoniques prépayées. Il faut savoir que cela correspond à la structure du marché télécom africain qui fonctionne à plus de 95 % en prépayé. D'autre part, le téléphone est un élément très important car il permet de garder le contact entre les familles et ceux qui ont quitté le pays. Ces derniers aiment savoir tout particulièrement qu'ils peuvent être joints en cas de besoin".
"Pour mettre en place ce service, des accords ont été noués avec des opérateurs locaux. Nous avons ainsi lancé le site Joxko.com qui fonctionne à l'usage de la diaspora sénégalaise avec des recharges d'Orange Sénégal. Pour les opérateurs télécoms, l'intérêt est multiple. Les opérateurs évitent les désabonnements et augmentent leur ARPU (Average Revenue Per User). Ainsi solvabilisés, les clients peuvent avoir en effet une consommation plus régulière. Nous comptons bien sûr aller au-delà des recharges téléphoniques avec des produits alimentaires suivant la même formule. Là, nous travaillerons avec des réseaux de distribution."
Des solutions autour de la dématérialisation de supports physiques
La difficulté de l'opération ne tient cependant pas que dans la distribution. Elle se trouve aussi dans la collecte. Comment toucher en Europe, tous ceux qui envoient de l'argent par delà la Méditerranée et qui pourraient être intéressés par ce nouveau service ? Là aussi, Tellus joue la technologie et notamment celle liée aux mobiles. La société, qui s'est beaucoup investie dans la dématérialisation des factures avec des solutions de règlement par SMS, compte assurer une partie de la vente sur Internet. Une autre partie (tous les immigrés ne peuvent acheter sur Internet ou ne sont pas toujours bancarisés) se fera par le réseau des télé boutiques. Ces points où il est possible de téléphoner longue distance à des prix intéressants et que l'on trouve pratiquement dans toutes les villes viendront étoffer le réseau de collecte. D'autres interfaces d'achat seront également mises en place en faisant appel aux serveurs vocaux. Quant à l'ensemble des transferts, ils seront gérés à partir d'une plate-forme Internet qui se trouve au cœur même du système.
Grâce à l'incubateur TELECOM Paris Tech EURECOM où il a été accueilli en juillet 2007, Tellus a pu d'abord bien positionner son projet et le valider. L'année 2008, ensuite, a été consacrée au développement de la technologie. Il fallait, après avoir compris le comportement du client, monter des applications spécifiques, créer les interfaces d'achat, et les plateformes d'échanges avec interfaces ouvertes vers les équipements des opérateurs télécoms, etc. Pour 2009, figurent au plan de marche le renforcement de la partie collecte, l'élargissement de la couverture à un maximum d'opérateurs télécoms et le passage ensuite sur les produits alimentaires. Une montée en charge qui arrive à temps alors que ce méga marché du micro paiement commence à intéresser de nouveaux acteurs.
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