Spin off d'Inria, Therapixel veut révolutionner les blocs opératoires
Actuellement accompagnée par l'Incubateur PACA-Est, la start-up co-fondée en juin dernier par Olivier Clatz (Inria Sophia) et Pierre Fillard (Inria Saclay), a développé un dispositif sans contact permettant au chirurgien, par des signes de la main, de rechercher et faire monter sur un écran les images dont il a besoin aux différents stades de l'intervention. Magique.
C'est une start-up qui a pour ambition de révolutionner les blocs opératoires et la façon dont le chirurgien pourra opérer en s'appuyant sur toutes les ressources de l'imagerie médicale. Un énorme challenge. Au croisement de l'informatique et de la santé, Therapixel, nouvelle spin-off d'Inria lancée le 28 juin dernier par Olivier Clatz (Inria Sophia) et Pierre Fillard (Inria Saclay) a développé une solution qui, il y a encore quelques années relevait de la science-fiction : elle permet au chirurgien de contrôler l'écran de la main pour rechercher et faire monter les images dont il a besoin aux différents stades de l'intervention.
Comme Tom Cruise dans "Minority Report"… mais sans gants spéciaux
Ceux qui ont vu le film "Minority Report" de Spielberg en ont peut-être rêvé. "Tom Cruise faisait défiler les images de son écran d’ordinateur sans le toucher", rappelle volontiers Olivier Clatz. "Nous faisons la même chose… Sauf que nous n’avons pas besoin de gants spéciaux pour activer les images." Pour les salles d'opération, ce dispositif apparait comme essentiel alors que l'imagerie médicale, avec toutes les informations qu'elle peut apporter sur les zones à traiter, tient une place de plus en plus prépondérante.
Le logiciel de Therapixel, avec ses algorithmes sophistiqués, permet ainsi aux chirurgiens, à l'intérieur du bloc opératoire, d'accéder plus rapidement et sans équipement particulier aux images médicales. Par la magie du sans contact, il réduit les risques de contamination en minimisant au maximum les interactions tactiles en milieu stérile. Il évite aussi aux chirurgiens de faire appel à d'autres intervenants pour collecter les bonnes images et de perdre ainsi leur concentration en cours d'intervention. D'où un gain de productivité et surtout d'efficacité.
Bien au-delà de la Kinect
Côté technologie employée, tout le monde pense bien sûr à la Kinect de Microsoft qui permet cette interaction à distance avec l'écran. Sauf qu'ici les contraintes sont évidemment beaucoup plus lourdes : il n'y a pas de manette et tout se fait par des signes de la main, l'ergonomie doit favoriser un accès le plus simple possible et il n'y a pas de droit à l'erreur.
"Quand nous avons commencé à développer ce système de contrôle de l'image sans contact, la conjoncture s'y prêtait, avec l'émergence des technologies d'interprétation des gestes, tirées par les jeux vidéo. Microsoft avait lancé son dispositif Kinect fin 2010", explique Olivier Clatz, le président de Therapixel. "Cela dit, nous ne l'utilisons plus: la technologie des capteurs évolue très vite. Nous choisissons le meilleur et le proposons avec notre logiciel. Le reste (ordinateurs, écrans, etc.) dépend du parc du client."
Créer une sémantique
Dans Lisa, la lettre d'Inria, Pierre Fillard, qui est basé, lui à Saclay, explique que la reconnaissance et l'analyse des gestes de la main ont été développées à une vingtaine de centimètres de l'écran, pour créer une sémantique. "Cette partie du logiciel est basée sur le travail de recherche d'Olivier. D'autre part nous reconfigurons totalement l'interface visuelle des fonctions de traitement d'images et de données : on ne commande pas un ordinateur par gestes comme avec une souris ! En cela, nous nous distinguons de la concurrence."
Et Olivier Clatz d'ajouter qu'outre "cette ergonomie unique, notre "plus" est l'intégration au système d'information de l'hôpital, ce que ne peuvent pas faire nos concurrents. Ils proposent une surcouche à des logiciels standards, conçus pour la souris et un schéma d’utilisation radiologique-diagnostique différent de l’environnement interventionnel et chirurgical. Nous maîtrisons intégralement la conception et le développement de notre logiciel, ce qui nous permet de coller au besoin et à l’environnement."
Commercialisation prévue dès le début de l'année prochaine
Après plus de trois ans de maturation, le dispositif est prêt. Un prototype du logiciel est en test depuis un an et demi au CHU de Nice et au Centre Antoine Lacassagne (Nice). Il reste encore à obtenir le marquage CE, obligatoire pour les dispositifs médicaux, qui concerne les procédures qualité, marquage dont l'obtention est attendue d'ici la fin de l'année..
Les deux co-fondateurs se sont réparti les rôles. A Pierre Fillard, à Saclay, le développement technologique. A Olivier Clatz, actuellement au sein de l'Incubateur PACA Est au Business Pôle de Sophia Antipolis, le business et l'administratif. Dans la technopole, il a pu bénéficier du soutien d'Inria en termes de liberté scientifique, de moyens humains et financiers et d'aide au transfert. Parallèlement, l'incubateur Paca Est, a accompagné la jeune start-up dans ses démarches et lui apporté une enveloppe financière. Des formations à l'entreprenariat ont pu également être suivies qui ont aidé les deux chercheurs à mieux appréhender le monde de l'entreprise.
Therapixel est désormais sur les starting blocks et compte attaquer la commercialisation dès le début 2014. Elle a bénéficié déjà d'une belle reconnaissance : le prix catégorie "Création-développement" du concours national d'aide à la création d'entreprise de technologies innovantes lui a été décerné en juillet dernier. Il vient récompenser les candidats ayant déjà prouvé la viabilité de leur projet et représente un sérieux coup de pouce. De bon augure pour la suite.