Smart city : "Minority Report" bientôt dans le tram de Nice ?
La ville de Nice, avec la start-up messine two-i (pour Two-eyes) étudie la mise en place d'un système qui détecterait l'humeur des passagers dans le tramway et dresserait ainsi une "cartographie des émotions en temps réel" qui permettrait de donner l'alerte en cas de détection d'une ou plusieurs personnes potentiellement dangereuses.
Les caméras du tramway de Nice qui permettraient via un logiciel d'analyser vos émotions en direct et de détecter les individus potentiellement dangereux avant qu'ils n'agissent : non, nous ne sommes pas dans un remake du film-culte "Minority Report" de Spielberg, mais dans une réalité azuréenne qui pourrait être proche. Selon le quotidien Nice-Matin, la ville de Nice, qui explore les chemins de la smart city, étudie en effet un système capable de détecter l'humeur des passagers dans le tramway et de dresser ainsi une "cartographie des émotions en temps réel". (Photo : DR, capture d'écran du site two-i.fr)
La technologie existe déjà. Et il n'y a pas qu'en Chine qu'on puisse la trouver. A Metz, la start-up two-i (pour two-eyes), fondée en 2017, a mis au point une technologie vidéo d'analyse d'émotions pour trois marchés : sécurité, marketing et smart city. Un système qui a été développé en partenariat avec le FC Metz, la ville de Metz et le Grand Nancy. Dans le cas de Nice, les images seraient prises par les caméras de surveillance qui sont déjà installées dans le tram et reliées au CSU (centre de supervision urbain). Le logiciel d'analyse vidéo de two-i, capable de "lire" plus de 10.000 visages à la seconde, se chargerait de traiter les émotions qu'ils dégagent et de déterminer entre autres les visages anxieux, nerveux, coléreux qui pourraient révéler des personnes potentiellement dangereuses.
Pour les deux fondateurs de two-i, Guillaume Cazenave et Julien Trombini, il ne s'agit pas pour autant de jouer au "big brother is watching you". Ils expliquent que les données sont anomysées, qu'aucune mesure biométrique n'est effectuée et qu'il est donc impossible de mettre un nom ou un casier judiciaire sur les visages qui défilent dans un flux ininterrompu. Il s'agirait plutôt d'un deuxième œil qui, en appui à l'œil humain, permettrait de révéler des situations qui se tendent et, le cas échéant, de lancer des alertes pour éviter débordements ou drames.
A suivre donc cette initiative de la ville de Nice que certains pourraient interpréter comme le prélude d'un cyber-contrôle à grande échelle comme celui que la Chine cherche aujourd'hui à mettre en place.
Paul Cuturello (PS) dénonce un pas de plus dans une "surenchère sécuritaire"
"Souriez, vous êtes filmés !" a réagi à cette annonce Paul Cuturello, conseiller municipal (PS) de Nice. "Avec la mise à l'étude de l'utilisation du logiciel édité par la start-up Two-i destiné à "mesurer" l'humeur et à "analyser" les émotions des voyageurs du tramway grâce aux caméras embarquées reliées au centre de supervision urbain, le maire de Nice s'apprête à franchir un pas supplémentaire dans sa surenchère sécuritaire", écrit-il dans un communiqué.
Cette "expérimentation" ferait suite à l'opération Safe City lancée en juin dernier, et coordonnée par la société privée Thales, dont l'objectif "pour pouvoir anticiper les incidents et les crises (...) est de collecter le maximum de données existantes et d'en chercher les corrélations et les signaux faibles". Une collecte massive de données et leur croisement donc.
"Si, comme le veut la logique des concepteurs de ces opérations, on croise les données recueillies par les deux systèmes, on pourrait cibler un voyageur du tram qui aurait sa tête des mauvais jours à cause d'une dent douloureuse, il serait alors considéré comme suspect et pourrait faire l'objet d'une intervention des forces de sécurité."
"Il y a là un risque aggravé de porter atteinte à la vie privée et aux libertés individuelles".
"On le voit, la surenchère sécuritaire n'est pas bonne conseillère, elle risque de rompre l'équilibre nécessaire entre libertés individuelles et sécurité au détriment des libertés."