Le chercheur niçois Alain Brillet, médaille d'or 2017 du CNRS!
L'astrophysicien Alain Brillet, directeur de recherche au CNRS à l’Observatoire de la Côte d’Azur (photo crédit Maurizio Perciballi), est le co-lauréat avec Thibault Damour de la plus haute distinction scientifique française. Tous deux ont contribué à la détection des ondes gravitationnelles, le "graal de l'astrophysique", et ont permis de confirmer, un siècle après, ce qu'Einstein avait décrit dans sa théorie de la relativité.
Le 11 février 2016 restera inscrit dans l'histoire de l'astrophysique : pour la première fois des ondes gravitationnelles ont été détectées. Albert Einstein les avait bien décrites dans sa théorie de la relativité. Mais jusqu'alors elles étaient restées de l'ordre de la théorie et leur détection était devenue une sorte de "graal" de l'astrophysique. Pratiquement inatteignable. Ce qui explique le retentissement mondial qu'a eu l'annonce de cette détection. Elle venait confirmer la théorie de la relativité d'Einstein et ressortait d'un énorme travail de recherche planétaire auquel avaient pris part d'une manière très active les chercheurs de la Côte d'Azur à travers le laboratoire ARTEMIS de Catherine Man (CNRS – UNS – OCA), à Nice.
La contribution majeure d'Alain Brillet et Thibault Damour
C'est dans ce contexte que l'on peut apprécier la double médaille d'or du CNRS qui a été attribuée hier à deux physiciens : Alain Brillet, 70 ans, directeur de recherche au CNRS à l’Observatoire de la Côte d’Azur et membre de l'équipe Artemis; Thibault Damour, 66 ans, professeur à l’Institut des Hautes Etudes scientifiques. Clin d'œil d'ailleurs du cosmos : le jour même de l'attribution de ces deux médailles d'or du CNRS, récompense suprême, une nouvelle détection d'ondes gravitationnelles, la 4ème, était annoncée. La déformation de l'espace-temps qu'engendre une fusion de trous noirs dans l'univers venait d'être une nouvelle fois captée par l'instrument Virgo, près de Pise en Italie.
Dans cette "quête du Graal", le physicien Alain Brillet aura apporté une contribution majeure. Par ses travaux sur les lasers stabilisés, Alain Brillet, aura été visionnaire dans le développement des détecteurs d'ondes gravitationnelles, et aura été l'un des pères de l'instrument européen Virgo, équipement qui aura permis de réussir le fabuleux challenge. Les travaux théoriques de Thibault Damour, spécialiste des trous noirs et du rayonnement gravitationnel, ont quant à eux été déterminants dans l'analyse des données des détecteurs d'ondes gravitationnelles. D'où deux co-lauréats cette année pour cette récompense décernée par le collège de direction du CNRS. Plus haute distinction scientifique française, elle leur sera remise le 14 décembre 2017 au cours d'une cérémonie au Collège de France.
Du laser stabilisé à la détection d'ondes gravitationnelles
Dès le début de sa carrière, Alain Brillet s'intéresse aux lasers stabilisés sur des références atomiques ou moléculaires, un sujet alors complètement nouveau en France, dans le but de réaliser des étalons de fréquence ou de longueur de très haute stabilité. Grâce à une dextérité expérimentale et instrumentale exceptionnelle, il met en place, dès 1970, des techniques basées sur l'optique des faisceaux lasers (le laser étant une invention du début des années 1960). Au cours de son post-doctorat, il monte et mène seul une version améliorée de l'expérience de Michelson-Morley dans le but de tester l'isotropie de l'espace avec des lasers ultra-stabilisés : les résultats obtenus sont restés inégalés pendant plus de 25 ans et ont valu à Alain Brillet une renommée internationale. Ils sont encore fréquemment cités aujourd'hui par les chercheurs du domaine de la relativité.
Attiré très tôt par l'intérêt de la détection d'ondes gravitationnelles et par l'ampleur du défi scientifique et instrumental, il s'entoure d'autres spécialistes de l'instrumentation (Catherine-Nary Man) et de théoriciens de la gravitation (Philippe Tourrenc et Jean-Yves Vinet) et son équipe forme notamment David Shoemaker et Peter Fritschell, désormais des responsables de haut niveau de la collaboration LIGO.
La grande aventure de Virgo (Europe) en lien avec LIGO (Etats-Unis)
Dans le cadre de la conception de Virgo, il développe des solutions innovantes dans le domaine des lasers et de l'optique, pendant que son collègue Adalberto Giazotto s'occupe des systèmes de suspension permettant de découpler les miroirs des vibrations terrestres. Le projet, appuyé par une trentaine de théoriciens et expérimentateurs français et italiens, est présenté en 1989 au CNRS et à l'Institut national de physique nucléaire italien (INFN). Celui-ci approuvé, Alain Brillet coordonne les onze équipes françaises et italiennes impliquées, ainsi que les réflexions permanentes entre théoriciens, analyseurs de signaux et expérimentateurs, aussi bien chercheurs qu'ingénieurs.
La qualité de ses travaux compte pour beaucoup dans les liens étroits entre les équipes de LIGO, celles de l'instrument monté par les Etats-Unis, et Virgo (échange de solutions techniques, analyse en commun des données obtenues). Cavités de filtrage spatial, ajout de quelques atomes sur la dernière des couches minces des miroirs pour y compenser les défauts de planéité (en collaboration avec Jean-Marie Mackowski), transfert de stabilité d'un laser à l'autre (injection de lasers) … : ses idées ont été reprises dans les interféromètres LIGO et Virgo, ainsi que pour le projet de détecteur d'ondes gravitationnelles de l'université de Tokyo, KAGRA. Depuis l'origine il est co-auteur de toutes les publications de la collaboration LIGO-Virgo.
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Alain Brillet, l'un des pères du détecteur VirgoUn mot plus particulier sur le parcours du niçois Alain Brillet. Né le 30 mars 1947 à Saint-Germain-en-Laye, il reçoit un diplôme d'ingénieur de l'ESPCI en 1970. Il entre au CNRS la même année comme ingénieur de recherche au Laboratoire de l'horloge atomique, à Orsay, où il soutient sa thèse en 1976. De retour en France après un post-doctorat dans l'équipe de John Hall (prix Nobel de physique en 2005), à Boulder (Colorado, Etats-Unis), il est nommé directeur de recherche par le CNRS en 1982. Avec l'Italien Adalberto Giazotto, il se consacre dès lors à la conception et à la promotion du détecteur d'ondes gravitationnelles Virgo, aujourd'hui installé à Cascina, près de Pise (Italie). Entre 1989 et 2003, il assure la direction puis la co-direction du consortium autour de ce grand instrument. A partir de 2008, il s'investit dans le design optique et la conception du système laser d'Advanced Virgo, le détecteur de seconde génération. Il est actuellement directeur de recherche émérite au CNRS, affecté au laboratoire Artemis (CNRS/Université Nice Sophia Antipolis/Observatoire de la Côte d'Azur). Alain Brillet est Chevalier de la légion d'honneur (2005) et ses travaux ont été récompensés en 2016 par le prix Ampère de l'Académie des sciences et, en tant que membre de la collaboration LIGO-Virgo, par le Special Breakthrough Prize in Fundamental Physics. |