ENERGEIA : comment faciliter l'accès des start-ups de l'énergie à des opérations pilote?
Dans le secteur de l'énergie, l'accès à une opération pilote est une étape essentielle pour les start-ups innovantes qui ont besoin de valider un certain nombre de questions techniques, réglementaires et d’usages. Le troisième groupe de travail du projet européen ENERGEIA que mène l'Incubateur PACA-Est s'est penché sur cette question au CEEI de Nice et a identifié quelques bonnes pratiques.
"Comment faciliter l’accès à des opérations pilotes au niveau régional pour les start-ups de l’énergie?" Dans ce secteur marqué par sa complexité, c'est une question capitale pour le développement d'entreprises innovantes que le troisième groupe de travail français du projet européen ENERGEIA a abordé récemment au CEEI de Nice. Lancé en avril 2013 dans le cadre du programme MED, le projet Energy Enterprise Generation in the MED area a laissé le soin à l'incubateur PACA-Est d'organiser trois groupes de travail français pour faire ressortir les bonnes pratiques facilitant la croissance des start-ups de l'énergie ainsi que l'a rappelé Laurent Masson, chef de projet ENERGEIA à l'incubateur PACA-Est. Autant de préconisations qui pourront être appliquées dans chacun des pays associé au projet (Bosnie Herzégovine, Espagne, Italie, France, Malte et Portugal).
L'équipe, le produit et sa validation à travers une opération pilote
Trois éléments clés avaient ainsi été identifiés dans le développement de ces jeunes entreprises innovantes, explique André Labat, directeur de l'incubateur : la constitution de la "dream team"; le design d'un produit adapté et à l'échelle européenne; l'accès à des sites pilote. Sur les deux premiers thèmes, les premiers groupes de travail s'étaient réunis en avril et mai à Nice et à Sophia.
Le troisième groupe de travail, sur la question des sites pilote, a réuni mi-juin quatre start-ups ayant ou souhaitant réaliser des pilotes, des acteurs institutionnels (Métropole Nice Côte d’Azur, commune de Mouans-Sartoux, Conseil général des Alpes-Maritimes, CCI Nice Côte d'Azur), privés (Valenergies, Méditerranée Investissements, BA06) et le pôle de compétitivité Capenergies.
Une étape essentielle pour les start-ups de l'énergie
Cette étape des sites pilote est essentielle insiste Valérie Blanchot Courtois, professeur à SKEMA Business School et pionnière dans ce domaine à travers, entre autres, l'association Eden Energy, lancée en 2004. Une start-up de l'énergie a besoin de valider un certain nombre de questions techniques, réglementaires et d’usages. Et cela passe inévitablement par la réalisation d’une opération pilote. Elle permet également d’établir un "business case" afin de vérifier si l’équation économique et le business model sont bien en phase.
Ne pas réaliser un pilote à temps peut aussi être dommageable dans l’exécution du business plan. Or, avoir accès à des sites pour une opération pilote n’est pas une chose aisée pour une start-up. Cela nécessite soit de disposer d’un réseau de haut niveau, soit de passer par des appels d’offres ou des appels à projets qui augmentent les délais et obligent à franchir de nombreuses étapes chronophages. Pour aider les start-up à grandir, il s'agit donc de leur faciliter l'accès à ces opérations pilote.
Une région très ouverte aux innovations
Des études engagées à l'occasion de ce groupe de travail et de la situation en PACA, il ressort quelques traits principaux. D'abord, pour la PACA, les Alpes-Maritimes comme le Var sont très demandeurs d'innovations qui puissent améliorer leur sécurité énergétique comme l'a rappelé Jean-Pierre Pouillot, Conseiller technique énergies au Conseil Général des Alpes Maritimes. Leur situation énergétique les y pousse fortement. Presqu'île électrique en raison de l'abandon de la seconde ligne haute tension Boutre-Carros, les deux départements n'ont pas atteint les très ambitieux objectifs en MDE (Maîtrise de la Demande d'Energie) et production locale d’électricité via des ENR qu'ils s'étaient fixés. Les solutions innovantes proposées par des start-ups de l’énergie sont donc les bienvenues pour nourrir ce contrat d’objectifs.
Les exemples de Gridpocket, Helioclim, MiniGreenPower et GreenLeaf
Sur ces deux volets, maîtriser la demande en électricité et produire de l’électricité verte, les collectivités se montrent ouvertes aux projets pilotes des start-ups. Ainsi, c'est grâce à un pilote cofinancé par le Conseil Régional PACA, suite à un appel d’offres piloté par Capenergies, que Gridpocket a pu faire la démonstration de la pertinence de sa plateforme technologique et décrocher des premiers clients par la suite, souligne son fondateur, Filip Gluszak. Autre exemple : en étant partenaire du projet de démonstrateur de GridPocket, la ville de Cannes a joué un rôle essentiel de tiers de confiance entre les habitants et la start-up.
D'autres start-ups innovantes du groupe de travail n'en restent pas moins en recherche pour valider leurs innovations ainsi qu'en témoignent leurs représentants : Hélioclim (Marie Nghiem) pour sa solution de climatisation solaire réversible basée sur une machine à absorption eau / ammoniac; MiniGreenPower (Jean Riondel et Hubert Sabourin) pour ses petites unités de production d’énergie électrique (50 kWe) et de chaleur (150 kWth) à partir de solaire et de biomasse; GreenLeaf (Fabrice Zecca) pour ses solutions domotiques optimisées pour le contrôle énergétique.
Des aides au financement pour les opérations pilotes
Car un autre problème est récurrent : trouver le financement pour ces opérations pilote. Certes, des aides existent comme le rappelle Nicolas Abgrall, ingénieur projet de Capenergies (AGIR+, FREE, PACA Labs, APRF, AMI, ADEME, etc.). Mais elles sont disséminées et pas forcément faciles d'accès. D'où l'importance de faire jouer les pôles de compétitivité, et Capenergie en particulier dans ce domaine, qui sont là pour aiguiller.
D'autre part, avant de tenter d'accéder à une expérimentation, encore faut-il que la start-up sache qu'elle existe et que la "brique technologique" qu'elle développe peut s'y insérer avec bonheur. La solution passe aussi par une identification rapide des sites prêts à accueillir ces pilotes. Car la Côte d'Azur, sur ce terrain de l'expérimentation, est particulièrement riche. Marie-Christine Vidal, directrice du CEEI Nice Côte d’Azur, précise à titre d’exemple qu’il existe sur le site de Nice Premium un démonstrateur du SunPod® Cyclo d’Advansolar (station de recharge solaire autonome pour vélos électriques). Soutenu par la Métropole, ce démonstrateur s'est révélé essentiel pour la start-up à la fois comme test et également comme vitrine.
Pour Mouans-Sartoux, Laurent Broihanne, adjoint au maire, et Pierre Trami, membre du conseil de majorité travaillant sur l’énergie, ont d'ailleurs affirmé le souhait de la commune de devenir "laboratoire d’innovations" facilitant la démonstration de solutions innovantes intégrant les utilisateurs et les externalités, y compris venant de start-ups de l’énergie.
Le "privé" a aussi un grand rôle à jouer
Mais il n'y a pas que les collectivités pour proposer des sites pilote. Le privé a un grand rôle à jouer. Ainsi, Valindus, spécialisé dans les toitures photovoltaïques, vient de créer Valenergies sur le créneau des "smart grids", comme l'a expliqué Christophe Brun, qui en est le chef de projet. Cette filiale peut donc être intéressée par des technologies développées par des start-ups de l’énergie... si toutefois bien sûr leurs solutions fonctionnent, car derrière il y a de vrais clients. Pour Georges Dao, fondateur de BA06, le modèle qui consiste à avoir un partenaire solide pour accéder au marché est le bon. C’est d’ailleurs ce qui est pratiqué dans BA06 qui a mis en place un Club de donneurs d’ordre comprenant 27 entreprises dont plus d’un tiers sont dans l’énergie.
Pour la start-up de l’énergie en quête de pilotes, la CCI Nice Côte d'Azur est aussi un acteur important. Elle s'est beaucoup investie dans cette filière naissante et fédère l’ensemble des acteurs économiques dans les smart grids et le photovoltaïque, comme le souligne Jean-Christophe Clément, son chef de projet Energie. Une centaine d’acteurs ont ainsi été identifiés (production, réseau, gestion, nouveaux usages, socle réglementaire, etc) et plusieurs actions sont en cours de mises en œuvre afin de montrer ce qu’il est possible de faire avec les technologies de smart grids.
La chance d'avoir le pôle de compétitivité Capénergies
La conclusion? Beaucoup d'opportunités sur la Côte d'Azur pour les start-ups de l'énergie mais une multitude d’acteurs et d’initiatives à "matcher". Dans ce contexte, José Massol, président de Méditerranée Investissements, a insisté sur la chance d’avoir sur le territoire le pôle de compétitivité Capénergies. Pour lui, c'est tout naturellement un catalyseur. Le pôle peut servir de fédérateur non technocratique en vue de créer des parcs de démonstrateurs connectables et ensuite de solliciter les acteurs publics, les collectivités, l’ADEME régionale et la Région PACA. Le pôle peut également aider à connecter les acteurs publics avec les start-ups qui pourraient leur apporter des solutions par rapport à certains de leurs besoins.
Aussi, dans l'énergie, plus que dans tout autre domaine, il s'agit avant tout pour une start-up de ne pas rester seule et de s'intégrer dans un réseau. Une chance supplémentaire pour celles qui opèrent dans la région PACA et qui peuvent bénéficier d'un écosystème très vivant couvrant toute la palette du secteur.
Quatre propositions pour faciliter l'accès aux opérations pilote
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- Voir les compte-rendus des deux premiers ateliers d' ENERGEIA sur la "dream team" ("ENERGEIA à Sophia : l'Europe veut faire grandir les start-ups de l'énergie") et sur l'internationalisation du produit ("Projet ENERGEIA : normes et homologation, le casse-tête des start-ups de l'énergie")